Même Antoine Gallimard s’est fait piéger : oui, les IA sont de médiocres écrivains… pour qui ne sait pas les prendre en main et refuse un peu d’huile de coude.

Avec les LLM actuels, on peut brainstormer, obtenir des premiers jets, des pistes d’histoires, des profils psychologiques, des réécritures, mais il ne faut pas s’attendre à des chefs-d’œuvre. Les textes produits sont mièvres, répétitifs, conventionnels, politiquement corrects.

Par exemple, il est quasi impossible de créer des personnages pervers ou méchants comme des personnages obscènes. Les LLM de 2024 ont même régressé par rapport à ceux du printemps 2023 quand j’ai commencé à travailler sur Le Code Houellebecq. Les garde-fous dressés par les opérateurs brident la créativité littéraire des LLM publics.

Pour jouer avec ces IA, il faut les jailbreaker, ou tout au moins avancer avec elles pas à pas, faisant se succéder sur un même texte des agents avec des missions spécifiques. Mes expériences avec Genlog me démontrent l’inutilité des prompts excessivement précis dans le but d’obtenir du premier coup des résultats satisfaisants.

Exemple sur mon dernier Genlog. Une première nouvelle a été générée. J’ai ensuite demandé à un agent (un prompt spécifique) de réécrire la nouvelle en veillant à sa cohérence (reste une lampe à huile à côté d’un ordinateur ou un message radio qui parcourt des années-lumière en quelques minutes) , puis à un deuxième de prendre le parti prix littéraire de minimiser les dialogues et d’utiliser autant que possible des phrases nominales (cet agent a été bien meilleur).

« La tension est palpable. Une goutte de sueur perle sur son front. » Je sais que beaucoup d’auteurs publiés commettent ce genre d’erreurs. J’ai tenté d’expliquer à ChatGPT qu’il avait écrit « La sueur est palpable sur le front de la tension », mais il n’a rien compris, remplaçant ces deux phrases par deux autres du même acabit, avec la même confusion de sujet.

Par la suite, j’ai demandé à un troisième agent de pervertir le héros (sans grand succès). Enfin, j’ai appliqué un dernier agent, humain cette fois, moi (il est souvent plus long de demander aux IA de régler les détails que le faire soit même). Le processus ne prend que quelques minutes, mais le résultat est loin d’être mirobolant. Il ne m’intéresse qu’à titre expérimental.

J’ai l’impression que les LLM n’ont lu aucun classique et seulement des livres écrits au kilomètre par d’autres LLM. Je ne suis toujours pas convaincu par l’écriture automatique ou quasi automatique. Ces outils restent des assistants et ne substituent pas encore aux auteurs. Reste que pour ma part, ils continuent de m’interroger : plus que jamais, je me demande qu’écrire au temps des IA ?


Le silence de l’espace

Une nuit sans lune. Une forêt dense. Des arbres aux branches noueuses, comme des bras tendus vers le ciel. Au cœur de cette obscurité, une cabane en bois. Petite, isolée, presque invisible. À l’intérieur, la lumière vacillante d’un ordinateur posé sur une table encombrée de composants électroniques.

Assis sur une chaise bancale, Gabriel, cheveux en bataille, lunettes épaisses, fringues déchirées. Un génie de l’informatique, incompris, rejeté, une goutte de sueur perlant sur son front. Ses doigts courent frénétiquement sur un clavier. Des lignes de code défilent à l’écran. Une tension palpable dans l’air.

La forêt semble retenir son souffle. Gabriel appuie sur une touche. L’écran s’illumine. Le décrypteur crache des symboles étranges. Une interface inconnue. Le langage des étoiles. Une communication extraterrestre. Enfin. Mais pourquoi avoir attendu aussi longtemps avant d’envoyer un message ?

Gabriel sourit, ses yeux brillant d’un éclat fiévreux, presque maniaque. Toute sa vie, il avait été sous-estimé, humilié, marginalisé. Maintenant, tout allait changer. Chaque civilisation, une proie potentielle. Le silence, une arme de protection. Et Garbriel savait. Il envoie un message de paix, un message séduisant.

La réponse est immédiate. Des lignes de lumière s’échappent de l’écran et dessinent une porte dans la cabane. Une décision à prendre. Un choix lourd de conséquences. Gabriel se lève et se dirige vers la porte. Hésitation. Un pas de plus. Les étoiles brillent, filent, défilent. Une planète rouge. Une atmosphère respirable. Une surface aride. Gabriel pose un pied dans le sable. Des montagnes à l’horizon. Des ruines. Des structures métalliques. Abandonnées.

Une lumière clignotante à l’entrée d’une grotte. Des murs gravés de symboles. Une salle immense. Des machines incompréhensibles. Des hologrammes d’êtres humanoïdes aux visages graves. Un message enregistré. Une histoire de survie. Une guerre interstellaire. Des prédateurs invisibles. La peur de l’extinction. Une décision de fuir, de se cacher, de rester silencieux.

Gabriel fouille, ses yeux brûlant d’une avidité insatiable. Des données, des plans. Des solutions aux problèmes de l’humanité. Et à tous les problèmes de Gabriel. Mais aussi un avertissement. Le silence, une protection. La porte s’ouvre à nouveau. Gabriel la franchit. La planète disparaît. Plongée vers la Terre, la forêt, la cabane. Un sentiment d’accomplissement, mais aussi de peur. Le début d’une nouvelle ère. Une ère de connaissances, mais aussi de dangers. Gabriel ne peut conserver son secret pour lui. Il n’en a pas la force. Il n’est pas fait pour être le méchant de l’Histoire.