Vous connaissiez peut-être les lignes de désir, une façon d’explorer les villes par les chemins de traverse, nous devons désormais imaginer les cercles de confinement, une façon non moins imaginative d’explorer notre voisinage immédiat.
Après une semaine de flottement, suite à des déclarations contradictoires du gouvernement, nous savons désormais à quoi nous en tenir nous autres qui sortons aérer nos vélos, nos baskets, nos chiens, voire nos enfants.
Tout n’a pas été simple au départ et nous sous sommes pas mal disputés à ce sujet. Le 19 mars, la ministre des Sports a déclaré « 1km, 2km max… Il n’est pas question de s’éloigner de chez soi », tout en disant que cette règle était incompatible avec la pratique du cyclisme et qu’elle nous suggérait de suivre les recommandations de la FFC. Elle a précisé « L’activité physique individuelle des personnes ne peut se pratiquer qu’à proximité du domicile et dans un temps assez limité. De ce fait, la pratique du sport cycliste communément admise n’entre pas dans les conditions prévues au décret et constitue donc une infraction susceptible de verbalisation. » Tiens donc, « la pratique du sport cycliste communément admise », c’est quoi ça ? Les gamins qui font du BMX au skate park près de chez moi ne font peut-être pas du vélo. Et si j’ai une pratique non communément admise, qui échappe encore à celle de la FFC, du gravel par exemple, je peux peut-être faire du vélo ? Ça m’a fait pas mal réfléchir, mais je suis resté chez moi depuis le 19 mars au soir.
Et puis le 23 mars, le Premier ministre est revenu sur cette question du sport formulant une règle stricte : « Sortir pour promener ses enfants ou faire du sport, c’est dans un rayon de 1 km de chez soi, pour maximum une heure, et tout seul. » Il faut en outre noter l’horaire de départ sur l’attestation sur l’honneur. Voilà que les choses sont claires. On ne nous interdit pas de faire de l’exercice, et du vélo en particulier, mais tant que nous restons à 1 km de chez nous, restons seul et ne sortons pas plus d’une heure.
On ne va pas recommencer le débat sur les dangers du vélo, parce qu’alors il faudrait parler du danger de posséder des chiens et de bricoler chez soi, et aussi du danger de ne pas faire assez d’exercice. Le gouvernement a tranché (jusqu’à ce qu’il change à nouveau d’avis). Voilà tout de même ce que je réponds aux nouveaux moralistes soudain dotés d’une conscience politique.
Un kilomètre de chez soi, ce n’est pas lourd. C’est même décourageant. Puis j’ai repensé aux lignes de désirs et je me suis dit pourquoi pas en créer une autour de chez moi, contenu dans un cercle d’un kilomètre de rayon.
Mais nous nageons en contradiction et non en mer. Thierry du Crest, coordonnateur interministériel vélo, a déclaré le 24 mars :
Le vélo est un moyen de déplacement. L’usage du vélo est uniquement prohibé pour la pratique d’une activité physique.
Ce à quoi lui répond un juriste :
L’activité physique est autorisée par le décret du 23 mars 2020 comme elle l’était par celui du 16 mars qu’il a abrogé, mais bien évidemment dans les limites posées par le 5° de l’article 3 dudit décret (1 heure maximum et rayon d’1 km, en solitaire, y compris la pratique sportive puisque seule cette pratique "collective" est bannie expressément) et aucune interprétation restrictive de cette activité à un seul type de discipline sportive ne peut légalement être faite (conformément aux règles fixées en matière pénale, puisque ce texte sert précisément de base légale aux sanctions judiciaires prévues en cas d’infraction à son respect) : vous pouvez jouer au ballon, faire du roller, courir, marcher ou même nager dans un ruisseau (si l’usage n’a pas été restreint par l’autorité de police préfectorale ou municipale ou fluviale), etc. dans les limites évoquées. Il est très étonnant qu’un tel message, manifestement infondé en droit, soit délivré par un représentant qualifié de l’Etat…
Le 27 mars, recadrage de la ministre de la Transition écologique et solidaire, le gouvernement n’interdit pas le vélo, il conseille la course à pied. Donc nous avons le droit de tourner en rond.
Le 28 mars, la FFC continue ses délires (le vélo ne serait autorisé que pour les enfants). Je me demande à quel décret gouvernemental il est fait référence.
Le 31 mars, le gouvernement sur son site Web interdit le vélo sportif, toujours sans passer de décret, donc sans que ce soit juridiquement recevable, suffit à nous faire comprendre que nos chers fonctionnaires perdent les pédales.
Je croyais l’affaire réglée, que nous allions pouvoir faire notre kilomètre quotidien tranquillement, mais il faut croire que non. Le 4 avril, une famille écope de 270 € d’amende, une amande bien sûr illégale faute de décret gouvernemental.
Pour vous changer les idées voici quelques images prises lors de mon exploration, ce n’était même pas du sport…
Après un décret stupide de ma municipalité, je n’ai plus le droit d’accéder aux espaces verts, dans lesquels les policiers municipaux se planquent pour alpaguer les promeneurs.