Une trace Komoot

VTT, gravel, bikepacking : que vaut le routage automatique

Une trace vélo s’apparente à une œuvre d’art, elle ne cherche ni le plus court chemin, ni le moins difficile, mais le plus enchanteur (l’enchantement étant une notion fort relative qui dépend de l’équipement, de la forme physique, du temps disponible et de mille autres paramètres). En attendant les IA de routage, quand est-il aujourd’hui des automates de routage ?

Pouvons-nous les utiliser les yeux fermés ? Proposent-ils des brouillons intéressants ? Passent-ils à côté des meilleures traces ? Ou font-ils des trouvailles ? En tant que bikepacker VTT ou gravel, je recherche en priorité à fuir les voitures et j’en attends autant des solutions proposées.

Voici quelques services inadaptés à mes besoins, soit uniquement Android comme Locus Map, ou sans option VTT ou gravel comme Google Map, OpenStreetMap, B Router (on doit pouvoir créer un profil VTT, c’est presque de la programmation), RidewithGPS, Geolvélo, Bikemap, Cycle.travel (qui possède une option chemin pas convaincante), Routeyou (résultats trop médiocres). Router sur route est techniquement assez simple, du moment que les voies sont qualifiées (nationale, départementale…). Il est facile de dire « je veux éviter les grands axes ». Pour le hors asphalte, les choses se compliquent, car les types de chemin sont innombrables et souvent peu décrits sur les cartes (d’autant qu’un chemin longtemps fort praticable peut soudain devenir un enfer). Pour mon évaluation, j’ai initialement retenu Komoot, Mapy, Strava, Garmin Connect, OpenRunner.

Test 1

Dans un rayon d’une trentaine de kilomètres autour de chez moi, je connais la plupart des chemins VTT et gravel, pour avoir soumis mon territoire de jeu à une exploration systématique. Plus je m’éloigne, plus ma connaissance du terrain est fragmentaire. Avec ce premier test, je crée un itinéraire ultra classique pour moi entre Balaruc les Bains et l’abbaye de Monceau, que je sais atteindre de dizaines de façons différentes.

Résultats test 1
Résultats test 1

Komoot en mode VTT envoie d’entrée sur une route désagréable, puis rejoint une piste cyclable, puis une route très fréquentée, quittée à mi-parcours avant d’attaquer une minuscule desserte communale, puis la garrigue, avec un final pas du tout adapté au gravel et même assez technique à VTT, ce que ne montre pas le profil.

Trace Komoot VTT
Trace Komoot VTT

En mode touring ou gravel, Komoot démarre mieux, empruntant immédiatement la piste cyclable, mais la quittant de façon inexplicable pour rejoindre une route abominable, puis traverse de long en large un centre commercial, avant d’attaquer la garrigue par une de mes entrées favorites. Tout se passe bien avant que la trace ne se jette dans un single impraticable à vélo, avec des marches de plus d’un mètre suivies de virages serrés. Elle rejoint en suite la première piste VTT au final exigeant. Avec mes copains, nous ne passons jamais par là. Les modes touring et gravel devraient être plus cool que le mode VTT, il n’en est rien. C’est un gros bug.

Stats : 8,1 km, 46 % de chemin et single pour 20 % de route.

J’ai regardé le mode piéton, qui commence comme le mode VTT, puis rejoint le mode touring, sinon qu’il emprunte une gorge agréable à VTT, même si assez technique. J’ai ainsi souvent l’habitude d’utiliser ce mode sans trop lui faire confiance. Si certains GR sont praticables à vélo, d’autres sont des coupe-gorges.

Mapy commence bien, en suivant la piste cyclable plus fidèlement que Komoot, mais il reste en suite trop longtemps sur la route, la quittant pour une petite desserte asphaltée et n’entrant dans la garrigue que vers le final, rejoignant la voie VTT de Komoot.

Stats : 8,4 km, 18 % de chemin et single pour 38 % de route.

Strava ne possède pas de mode VTT, mais sa trace emprunte abondamment les chemins ce qui peut s’avérer dangereux pour les purs routiers. Avec l’option populaire, il suit la route avant de la quitter pour rester dans la garrigue jusqu’au bout, finissant par plonger dans le single impossible.

Stats : 8,9 km, 68 % de chemin et single pour 29 % de route.

Sans l’option populaire, Strava suit pratiquement l’option Komoot Touring, excepté au début où elle privilégie les routes à la piste cyclable.

Stats : 7,7 km, 58 % de chemin et single pour 28 % de route.

Si Garmin Connect en mode gravel est peu convaincant, très proche du résultat proposé par Mapy, il s’en tire mieux en mode VTT, en première analyse. Après un début trop routier, il propose un beau parcours très technique et très physique, avant d’arriver au creux d’une combe quasi impossible à escalader à VTT et qui implique du portage pour franchir des séries de marches très caillouteuses.

Stats : 8,5 km, 58 % de chemin et single pour 19 % de route.

Après un départ semblable à Komoot VTT et Garmin, OpenRunner propose avec son mode gravel/cyclotourisme une fort belle trace gravel.

Stats : 9,9 km, 64 % de chemin pour 17 % de route.

Ma version VTT : 8,5 km, 78 % de chemin et single pour 3 % de route (un bout de centre commercial).

Ma version Gravel : 10 km, 83 % de chemin pour 14 % de route (un bout de centre commercial et une minuscule route communale).

Bilan Pour le VTT, Komoot offre la meilleure trace, tout en restant en retrait de la mienne. Pour le gravel, OpenRunner est de loin le meilleur, ma version ne le surpassant qu’au départ.

J’ai rassemblé toutes ces traces sur une carte Google Map pour ceux qui aimeraient les analyser dans le détail. Pour les stats, j’utilise Komoot dans lequel j’importe les fichiers GPX générés.

D’ailleurs Komoot bugue parfois quand on y charge des traces qui lui paraissent impossibles faute de cartes assez détaillées, et cela même quand on lui ordonne de rester fidèle au tracé original. Il fabrique des détours invraisemblables, ce qui conduit à des statistiques erronées. J’ai signalé ce bug, il a été corrigé depuis.

Test 1 : comparatif
Test 1 : comparatif

Test 2

Durant l’été, j’ai créé manuellement plusieurs traces pour relier la ville de Pézenas. Je vais donc voir ce que me propose Komoot, Garmin, Strava et OpenRunner.

Résultat test 2
Résultat test 2

Comme la première fois, Komoot en mode VTT commence par la route avant de trouver la piste cyclable, puis s’en écarte pour suivre une voie parallèle à la nationale 113, avant de piquer dans la garrigue. C’est une option que nous choisissons parfois, bien qu’il en existe d’autres, plus agréables. La suite est assez bluffante. La trace emprunte des chemins sur lesquels nous roulons souvent.

Stats : 34,2 km, 64 % de chemin et single pour 26 % de route.

Komoot version Touring et Strava n’ont aucun intérêt cette fois. Ils se cantonnent aux parties asphaltées, flirtant trop souvent avec la nationale. Aucun intérêt même pour un parcours gravel (et même par la route on peut mieux faire).

Garmin VTT est également peu convaincant, trop route, empruntant même sur 3 km la nationale 113.

Stats : 31,3 km, 5 % de chemin et single pour 62 % de route.

OpenRunner réussit la prouesse de ne proposer aucun chemin sur ce trajet.

Sats : 30,6 km, 0 % de chemin, 59 % de route, le reste étant la piste cyclables et quelques rues.

Mes stats VTT : 34,9 km, 65 % de chemin et single pour 28 % de route.

Test 2 : comparatif
Test 2 : comparatif

Les stats semblent dire que je m’en tire comme Komoot, sauf que mes routes sont bien plus minuscules que les siennes et j’emprunte deux fois plus de singles, certains étant extraordinaires. Je reste impressionné par le résultat de Komoot, qui offre dans ce cas une bonne ébauche de travail, même si elle ne m’a fait découvrir aucun chemin.

Komoot marque des points en piquant très tôt dans la garrigue, ce que nous évitons quand nous nous engageons dans le longues distances (parce qu’après il nous faut rentrer). Si j’avais souhaité maximiser les chemins, j’aurais pu le distancer sans difficulté.

Test 3

Lors de ma traversée Méditerranée-Atlantique, je suis passé par Pézenas pour rejoindre La Salveta sur Agout via Roquebrun et le lac de Vézoles. J’étais alors en territoire quasi inconnu à vélo pour moi.

Résultat test 3
Résultat test 3

J’ai créé mon parcours en superposant les traces des vététistes du coin et en les interconnectant à l’aide des cartes OSM et IGN. Mon ambition n’était pas de maximiser les chemins, mais de réduire au maximum les interactions avec les voitures, tout en passant par quelques lieux remarquables et en dénichant quelques beaux singles. J’avais aussi pour objectif de ne pas trop nous charger en D+.

Stats : 93,9 km, 36 % de chemin et single pour 47 % de routes minuscules et 1 920 m de D+.

Test 3 : comparatif
Test 3 : comparatif

En mode VTT, Komoot offre des stats plus qu’intéressantes : 96,6 km, 55 % de chemin pour 15 % de route et 2 150 m de D+. Il s’agit donc d’une bonne trace, qui passe parfois par des routes plus pratiquées que les miennes. De mon côté, j’ai écarté certaines des options retenues par Komoot, par exemple le chemin à travers les garrigues après Roquebrun, préférant rester au bord de la magnifique vallée de l’Orb avant d’enchaîner par une longue piste cyclable. Il serait intéressant de suivre les deux traces et de comparer leur dimension esthétique et ludique.

Résultat

Plus je m’éloigne de chez moi, plus Komoot VTT me convient. Il commence par être acceptable, s’améliore sur moyenne distance, puis devient bon sur les longues. Il s’agit bien sûr d’une illusion créée par mon ignorance des terrains éloignés de chez moi. Je reste sur mes gardes : les erreurs commises lors du premier test doivent se répéter à longueur de chemin (d’autant plus que certaines voies praticables dans un sens ne le sont pas dans le sens contraire).

Si Komoot n’a pas commis d’erreur lors du deuxième test, c’est surtout parce que le territoire traversé est peu technique tout en étant très joueur (contrairement à la direction choisie pour le premier test).

Reste que dans ces circonstances, quand on se lance dans des voyages bikepacking, à VTT ou gravel, le tracé Komoot peut être un bon point de départ, mais il ne dispense pas de s’inspirer des traces des cyclistes des régions parcourues, dans l’espoir de créer des voyages inoubliables (concept dont se fiche l’automate de Komoot).

Les singles suggérés doivent être pris avec méfiance et il me semble judicieux de vérifier si des vététistes ont l’habitude de les emprunter.

Une chose est sûre : avec ces automates, je crois être mieux armé pour la création de mes prochains itinéraires au long cours.