Lors de mes virées américaines, j’ai peu croisé de VTT tout suspendus. Ce n’est pas par snobisme que les bikepackers renoncent à ces bécanes. La suspension ajoute un bon kilo, augmente le risque de panne, et surtout elle mange le triangle du cadre, limitant grandement la taille du sac utilisable.
Reste que j’aime mon tout suspendu. Dès mon retour en France, je suis parti faire une virée en garrigue avec mes copains, dans la configuration que j’utilisais avant mon séjour en Floride : mes outils rangés dans le porte-bidon, l’eau et le ravitaillement dans mon CamelBak.
Mal m’en a pris. Le CamelBak me pesait, tirait sur mes cervicales, contraignait mes mouvements, réduisait mon sentiment de liberté, donc réduisait mon plaisir. Je suis rentré avec des douleurs persistantes.
Pourquoi faisons-nous du VTT avec des CamelBak ? Outre la force de persuasion du marketing, je ne vois que deux bonnes raisons.
- Le CamelBak, surtout un Kudu comme le mien, offre une très bonne protection dorsale. Quand on tombe, parfois on utilise le sac comme airbag, à condition de ne pas transporter d’objets contondants dans un sac qui ne possède pas de renfort dorsal (un ami toubib m’a raconté qu’un vététiste s’était pété des vertèbres à cause de sa pompe placée dans le sac).
- Pour boire, on ne lâche le guidon qu’un instant, ce qui est rassurant sur terrain accidenté.
Moi qui ne suis jamais en mode course, qui tente de ne pas prendre trop de risques, je peux m’arrêter pour boire ou attendre les portions roulantes. Je n’ai donc pas besoin d’un sac à dos, mais éventuellement d’une protection bien moins lourde (souvent moins de 500 g).
Mon Kudu 8 litres avec sa poche Hydrapack de 3 litres pèse 1 190 g (45 g pour la pipette CamelBak et 100 g pour la poche HydraPack — poche moins lourde que la CamelBak et plus pratique puisqu’elle se retourne comme un gant pour faciliter le nettoyage). Ma boîte à outils TopPeak format bidon pèse 64 g, la cage 45 g. Poids total ajouté au vélo à vide : 1 299 g. Dans la pratique, je charge souvent mon dos de 3,5 kg (1,5 lite d’eau au moins, plus barres de céréale, plus téléphone, plus imperméable…).
Le bikepacking m’a appris que je pouvais transférer cette charge de mon dos à mon cadre. Dans un premier temps, à l’occasion de ma virée au Ventoux, j’ai installé deux porte-bidons, avec une bouteille Zéfal de 1 litres (100 g), et une autre de 0,5 litres (60 g). Sous le cadre, j’ai rangé mes outils et un pull en mérinos dans mon Wolf Touth Bag (84 g). Au-dessus du cadre, j’ai utilisé mon Apidura Top Tube Bag (94 g) où j’ai rangé mon imperméable et quelques barres de céréales. Dans les poches de mon maillot, j’avais seulement mes manchons, mon téléphone et trois autres barres de céréales.
Poids de cette config à vide : 428 g, mais je ne peux transporter que 1,5 litre d’eau contre 3 avec mon CamelBak (pour mes sorties VTT classiques, le poids tombe à 334 g car je n’ai pas besoin du Top Tube Apidura). Pour partir en voyage avec mon tout suspendu, ou même pédaler durant une longue journée, je dois pouvoir emporter davantage d’eau et de nourriture. J’ai donc décidé de me dénicher un sac de cadre.
Un point de physique
Si le bikepacking est né avec le sac de cadre, c’est pour une bonne raison : le centre de gravité d’un vélo se situe dans le triangle de cadre, au-dessus du pédalier (tout le poids du cycliste passant en gros pas ce point). On détermine sa position exacte en suspendant le vélo par la potence, puis par la selle (voir illustrations). Quand on charge l’avant du vélo, on avance le centre de gravité. Quand on charge l’arrière, on le recule. De même quand on accroche des sacs à la fourche, on le rabaisse (en plus de l’avancer). Pour conserver l’agilité de son vélo, pour se garder la possibilité de passer partout, même en voyage, il faut tenter de ne pas altérer le centre de gravité, donc donner la priorité au sac de cadre, y placer les éléments les plus lourds (l’eau, les piquets de tente, les outils…). Je vois beaucoup de configurations de bikepacking qui négligent cette physique élémentaire.
Sac de cadre pour tout suspendu
Pour soulager mon dos sur mon tout suspendu, j’ai donc commencé par regarder du côté de Revelate Design et d’autres fabricants de sacs, mais aucun modèle n’exploitait tout le volume disponible dans le cadre de mon Epic. J’avais plus que deux possibilités soit me confectionner un sac, soit trouver quelqu’un pour me le fabriquer, penchant vite vers cette seconde solution, car j’avais besoin d’un sac assez compliqué, au vu de mon patron.
En discutant sur le forum bikepacking France, j’ai découvert quelques fournisseurs.
- Alpkit, environ 120 €.
- Rockgeist, 200 €.
- Lucy Rusjan, 200 €.
- HelmutEquipement.
- SevenRoads, 180 €.
- Marion & Quentin, 80 €.
J’ai choisi de partir avec Marion & Quentin parce qu’on s’est bien entendu, parce qu’ils m’ont promis de me fabriquer mon sac très vite et parce qu’ils étaient aussi les moins chers. Comparés à Lucy Rusjan, qui garantit une totale étanchéité, Marion & Quantin m’ont averti que le sac serait simplement déperlant, ce qui était parfait pour moi, car je ne range dans le cadre aucune affaire qui craigne l’eau, d’autant plus sur mon tout suspendu, avec lequel à ce jour je ne pars pas en voyage.
Au final, le sac fabriqué par Marion & Quentin ne pèse que 111 g. Ma nouvelle configuration avec le sac et la poche HydraPack arrive à 256 g (gain de 80 % par rapport à la solution CamelBak, gain de 23 % par rapport à la solution avec bouteilles). Dans mon sac, je peux désormais emporter jusqu’à 3 litres d’eau, un imperméable, quelques barres de céréales, mes outils et mon téléphone (j’ai allégé mon dos même par rapport à la config avec bouteilles).
Après une première sortie, je valide cette formule. Le sac se fait oublier, même dans les passages techniques. Je saisis la pipette soit lors des arrêts, soit lors des passages roulants. Je dois alors baisser la tête pour boire, c’est moins facile qu’avec le CamelBak, mais mes cervicales plébiscitent cette solution, déjà adoptée en bikepacking sur mon semi-rigide.