Que les choses soient claires, je n’ai jamais roulé avec un H-Bar. Pour que je puisse l’essayer, il me faudrait débourser 315 $ pour obtenir la version carbone qui déjà pèse 275 g (la version classique avec ses 525 g ayant un poids frisant le ridicule).
J’ai toutefois déboursé 180 $ pour un SQ-Lab rentrant de 16° dont l’usage initial s’est avéré catastrophique. Je me suis rabattu sur un guidon rentrant de 11°, qui à l’usage est un bon compromis. J’ai depuis réussi à me faire au 16°, mais sur un vélo avec un reach bien plus long que sur mon Salsa Timberjack, prouvant que ces histoires sont très relatives.
Si je n’ai pas roulé avec un H-Bar, j’ai roulé avec des partenaires de raid ainsi équipés lors de mes deux HuRaCan. Ils m’ont juré que le H-Bar était génial, pourtant ils se dépatouillaient avec difficultés des passages techniques. Quand j’étais placé derrière eux, ce qui était pour le moins rare, je voyais qu’ils n’étaient pas à leur affaire. J’ai alors compris que le H-Bar n’est pas un guidon de VTT, mais un guidon pour transformer un VTT en vélo de ville. Sur le plat, sur la route, j’admets que la position est confortable. On se retrouve comme assis dans un fauteuil, ou sur la selle d’une Harley.
De quelles motos s’est inspiré Jones ? J’ai fait du motocross quand j’étais jeune et jamais mes guidons ne rentraient de 45°. Quand je regarde les motos de cross ou d’enduro d’aujourd’hui, elles possèdent des guidons qui rentrent certes, mais de façon très modérée. Ce qui est logique, parce qu’on a besoin de pouvoir s’appuyer sur le guidon, de le sentir parallèle à l’axe de la roue avant. Ce n’est pas pour rien si les guidons des VTT d’enduro ou de descentes sont souvent plats. Ce n’est pas parce que les concepteurs sont plus bêtes que Mr Jones, mais parce qu’ils pensent pilotage.
On arrive à un paradoxe. Le H-Bar est un guidon pour des vététistes qui ne font pas de VTT, voilà pourquoi j’ai vu sur la plupart des H-Bar des aérobars de triathlète, tout cela pour se placer dans une position roulante. Mais pourquoi alors rouler avec un VTT, pourquoi ne pas choisir un gravel ?
C’est encore une question d’ergonomie : un VTT avec sa suspension avant reste plus confortable qu’un gravel (à moins peut-être de choisir un gravel 29 pouces avec des pneus de 2,8 ou 3 pouces). Mon autonomie à gravel est paradoxalement plus faible qu’à VTT. Alors beaucoup de spécialistes de l’endurance, par exemple ceux qui font The Tour Divide, choisissent des VTT qu’ils utilisent comme des gravels.
Mais pourquoi monter des guidons de vélo de course sur les gravels et non des H-Bar ? Tout simplement parce que le H-Bar est moins ergonomique. Quand on saisit les cocottes de frein d’un gravel, nos mains s’alignent avec nos épaules, dans une position ultra confortable. Pas le moindre angle, pas la moindre torsion. Le troisième métacarpe prolonge l’avant-bras. On peut bien sûr ajouter des aérobars pour s’appuyer sur les avant-bras et détendre les poignets, mais on n’a pas besoin d’un H-Bar.
Sur mon VTT, même en version raid, je ne veux pas d’aérobar pas plus qu’un H-Bar qui m’empêche de piloter dans les passages techniques. Pour les parties roulantes, j’ai découvert une solution bien plus légère, bien moins chère, bien plus ergonomique que le H-Bar. Entre les grips et les manettes de frein, j’ai placé de petites cornes SQ-Lab (Specialized, Spirgrips et d’autres en proposent). Quand je les saisis, je me retrouve dans la même position que sur un vélo de course quand je saisis les cocottes de frein. Plus de torsion, je n’ai même plus besoin de replier mes doigts, je suis en simple appui.
J’ai testé et approuvé cette configuration durant ma seconde HuRaCan. Je n’ai jamais éprouvé de fourmis dans les mains, pas plus que de torsion des poignets. Aucune douleur dans les épaules. Avec cette petite adjonction, mon vélo reste un VTT et je peux avec lui affronter les longues portions peu techniques. Même dans certains singles mes mains reposaient sur ces cornes, parce qu’elles sont tout simplement confortables.
Le H-Bar a été imaginé pour des cyclistes qui aiment le confort du VTT mais n’aiment pas faire du VTT. La plupart du temps, ils roulent sur des pistes ou des routes. Même si un jour je m’engage dans la Tour Divide, je ne monterai pas de H-Bar. Le pilotage est une des dimensions fondamentales du vélo, un de mes grands plaisirs, je veux pouvoir en profiter quand une occasion se présente. Je n’ai pas envie de me retrouver aux commandes d’un tracteur.