Alors dès que j’entends parler d’un produit qui pourrait changer ma vie j’ai tendance vouloir le tester. Avant mon HuRaCan, un peu effrayée par les 600 km de tout-terrain, j’ai roulé avec le guidon en carbone ergonomique 3XO 16 de SQ-Lab, réputé soulager les poignets, détendre les bras et les épaules grâce à un back sweep de 16°. Je suis rentré détruit de ma première sortie. J’avais mal au dos, aux épaules, aux fesses. Ce guidon a bousculé ma position si bien que je l’ai tout de suite démonté. De retour de mon raid, je lui ai donné une seconde chance, essayant de le relever avec une nouvelle potence pour le mettre à la hauteur de mon guidon standard, un Salsa Rustler avec un back sweep de 11°. J’ai parcouru avec deux fois 75 km avant de renoncer une seconde fois. Autant je trouve agréable le back sweep de 11°, autant les 16° du SQ-Lab me sont nocifs. Je n’imagine pas l’enfer que serait pour moi de rouler avec un H-Bar de Jones et son back sweep de 45°.
J’admets que ce qui convient aux uns ne convient pas nécessairement aux autres, mais je suis de plus en plus sceptique quant aux grands discours des rois du marketing vélopédique. Ils nous promettent monts et merveilles, mais bien rares ceux qui proposent de véritables solutions satisfait ou remboursé, parce que dans ce cas je ne leur aurais pas fait gagner beaucoup d’argent (quant aux YouTubers, je les trouve plus désireux de recevoir des cadeaux que de réellement tester les produits).
Lors de l’HuRaCan, malgré mon cuissard Assos T EQUIPE EVO, j’ai eu mal aux fesses, mal que j’ai combattu efficacement avec les crèmes du même fabricant. De tous les cuissards que j’ai pu tester, les Assos restent selon moi les meilleurs. J’ai donc craqué pour un Assos T CENTO, conçu pour les longues distances (et bien plus cher que mon cuissard classique). Après deux heures sur le vélo, j’ai commencé à chanter. La mousse est si épaisse qu’elle provoque des frottements en des points où d’habitude je ne sens rien. J’envoie un mail à Assos. Réponse : « Oui, c’est peut-être parce que la mousse est plus épaisse. Si vous n’êtes pas satisfait, donnez le cuissard à un ami. » J’aurais aimé me défouler en criant « Hey, connard, tu es en train de me dire de m’asseoir sur mes 300 $. »
Tous les vendeurs de solutions ergonomiques se gardent bien de publier des tests conduits avec des cyclistes de gabarits différents. Jamais ils disent « Ça marche pour les uns, ça ne marche pas pour les autres. » Pour nous piquer notre argent, ils tentent de nous faire croire qu’ils ont découvert des solutions universelles, alors qu’elles sont aux mieux valables pour quelques-uns, voire ne sont que des placebos onéreux.
Je suis tombé dans le panneau une troisième fois avec les Ergon Grip, destinés à soulager les poignets et éviter les fourmis dans les doigts. J’ai commencé par rouler avec des GS1 conçus pour l’endurance et le cross-country. Lors de sorties courtes, je les ai trouvés vraiment agréables, mieux que des grips classiques (qui, par ailleurs, ne me causent aucune douleur). Enthousiaste, j’ai commandé des GP3, dédiés à l’endurance et disposant de barres latérales orientables, ce qui permet de changer la position des mains dans les parties roulantes, donc de se détendre.
L’HuRaCan aura été un bon test. Je n’ai jamais souffert des épaules, pas plus du dos, pas de fourmis dans les doigts. Sauf que le quatrième jour, ma main gauche était pratiquement paralysée. Impossible d’écarter mes doigts pour mettre mes gants. Le bien s’est avéré pire que le mal. Un mois après, je n’ai pas retrouvé un contrôle précis de mes doigts. Si j’étais en France, je serais en train de faire de la rééducation après une batterie d’examens. Vu notre statut de touristes aux USA, je me débrouille par moi-même.
J’en suis réduit à des supputations quant à la cause du problème, mais je suis quasi sûr que les Ergon Grips sont responsables. Pendant mes quarante-quatre heures de vélo lors de l’HuRaCAn, la paume de mes mains s’est appuyée sur les ailettes des grips, si bien que l’extérieur de ma main gauche, parfois appelé mont de la lune, a été compressé jusqu’à devenir douloureux comme si j’y avais reçu un coup de marteau (cette douleur n’a disparu qu’au bout de trois semaines). Je suppose que j’ai compressé le nerf ulnaire.
Pourquoi ma main gauche ? Il est vrai que j’ai l’épaule gauche plus fragile. En gravel, c’est toujours elle qui me fait mal quand je rencontre trop de pierres. Je suppose qu’elle appuie davantage sur le guidon que la droite, et, de fait, ma main gauche davantage sur le grip, donc mont mon de la lune gauche a souffert davantage que le droit. J’imagine qu’avec des grips moins « ergonomiques », je n’en serais pas là. Encore des supputations.
J’ai un jugement plus mitigé sur les barres latérales des GP3. Elles me paraissaient une solution plus légère que les barres de triathlètes, pour moi difficiles à accepter sur un VTT. Chaque fois que j’ai pris en main ces barres latérales, je me suis senti mieux, mais pour un bref instant seulement. De par leur position excentrée, elles ne me mettaient pas dans une position aérodynamique compatible avec les lignes droites. J’avais l’impression de prendre le volant d’un tracteur. Bref, les GP3 auront été un fiasco complet dans la perspective d’une épreuve d’endurance.
Je ne dois pas être assez échaudé par ces mésaventures. En vue d’une seconde HuRaCan, j’ai choisi encore une fois des grips ergonomiques, mais moins extravagants, les 711 de SQ-Lab, doublés de petites barres indépendantes positionnées entre les grips et les manettes de frein. Quand je les saisis, c’est comme si je saisissais les cocottes d’un vélo de course. De fait, dès que je ne suis pas sur un terrain technique, mes mains s’y posent naturellement. J’ai ainsi à ma disposition deux positions confortables, les grips et les cocottes, que d’ailleurs je peux saisir de multiples façons. Reste à tester cette nouvelle configuration sur de longues distances. Pour le moment, elle a l’avantage de ne pas entraver la guérison progressive bien que lente de ma main gauche.