Jeudi 1er, Balaruc

Sur les dos des livres anglo-saxons, les titres ne sont pas imprimés dans le même sens que chez nous. J’avais toujours pensé qu’il s’agissait d’une convention sans importance. Je viens de comprendre que nous étions stupides. Quand un livre est posé à plat sur une table, on peut lire le dos d’un livre anglo-saxon, pas celui d’un livre français, qui apparaît à l’envers. C’est particulièrement sensible quand on empile des dizaines de livres pour attirer l’attention des acheteurs potentiels. Chez nous, on les empêche de lire. Ce petit détail résume l’opposition entre deux cultures.

Lundi 5, Montpellier

Sous la pluie, Isa et moi testons la géolecture avant le test grandeur nature la semaine prochaine.

Nettoyeurs
Nettoyeurs

Mardi 6, Balaruc

Trois projets se télescopent. Je saute de l’un à l’autre, sans avoir le temps de penser… et même mes nuits sont agitées.


Je ne cesse d’entendre jacasser les indépendantistes corses à la radio, après avoir entendu les Catalans. Je ne comprends pas. Vous voulez vous rendre indépendants du réchauffement climatique ? Vous croyez que vous y échapperez ? Nous n’avons pas besoin de nous rendre égoïstement indépendants les uns des autres, mais plus que jamais de nous unir pour faire face à notre connerie généralisée.

Mercredi 7, Balaruc

Possibilité d’écrire une géolecture sur un lieu où je ne serais jamais allé et où je me promènerais virtuellement. Je dis bien possibilité, parce que j’aime par-dessus tout la balade véritable par de belles journées estivales.

Jeudi 8, Balaruc

Fin mars, avec les copains de la littérature numérique, je participe à un colloque à Nîmes sur les nouvelles écritures. Je créerai une mini géolecture pour l’occasion.

Vendredi 9, Balaruc

Je lis un article énervé de Karl Bubost sur les fausses promesses du HTTPS et la nécessité pour nous autres animateurs de sites de toujours mettre les mains dans le cambouis. Quelques minutes plus tard, je reçois une alerte de Let’s Encrypt me disant que dans un jour mon blog ne sera plus accessible. Me revoilà à bidouiller dans le shell Linux. Tout ça par la faute de Google qui tire le Web vers toujours plus de technologie pour toujours moins de liberté.

Samedi 10, Balaruc

J’ai milité pour la décentralisation la plus totale, sous prétexte qu’elle augmentait l’intelligence collective, j’ai bien été refroidi depuis. Cette décentralisation a donné naissance à Google et Facebook notamment. Des chercheurs ont analysé Bitcoin, une monnaie décentralisée, et constatée qu’elle s’était automatiquement recentralisée.

Both Bitcoin and Ethereum mining are very centralized, with the top four miners in Bitcoin and the top three miners in Ethereum controlling more than 50% of the hash rate.

Comme pour le Web, on peut trouver des explications. Google et Facebook ont bénéficié de l’argent d’un monde financier centralisé, les quatre acteurs principaux du Bitcoin d’une technologie qui avantage les premiers entrants. Quoi qu’il en soit, il semble évident que la décentralisation absolue est une utopie. Pire, un monde décentralisé est sans doute bien plus injuste qu’un monde avec une petite dose de centralisation qui ambitionne la justice sociale. Sans régulation, un système décentralisé implique quelques gagnants qui emportent le jackpot et qui, de fait, recentralisent le système. En résumé, la décentralisation technique n’implique pas la décentralisation des usages, le contraire se produit.

Dimanche 11, Balaruc

Hier, en effectuant des recherches sur le phénomène de recentralisation de Bitcoin et Ethereum, je suis tombé sur un article publié par les promoteurs d’Ethereum qui se vantent d’avoir bâti un système plus décentralisé que Bitcoin. Ce matin leur mauvaise foi me frappe. Ils font référence au même article scientifique que moi, mais y piochent les informations qui renforcent leur mythologie et non celles qui la mettent en pièces. Nous vivons dans un monde peuplé de médiocres escrocs.


Ursula Le Guin s’est mise à blogger à 80 ans. Respect. Réunis dans un livre, ses billets parlent du grand âge, chose dont peu de gens ont parlé faute, à cet âge, d’en avoir eu la force. Elle raconte notamment qu’elle conserve toute sa puissance créative, mais qu’elle manque de stamina pour la mettre en œuvre. Une remarque flippante pour moi. J’ai toujours cherché à doper ma stamina. J’en suis à une phase ou le temps passé à faire du sport me fait gagner le double de temps en travail. Je sais bien que cette technique ne pourra durer éternellement, même si tous les samedis je sors en VTT avec un petit bonhomme de 80 ans, capables d’arracher leurs tripes à beaucoup de jeunots de mon âge.

Mardi 13, Balaruc

Repérage officiel de la géolecture…

A black swan
A black swan

Vendredi 16, Tignes

Ce matin, avant le départ, je passe chez le dermato. Il me trouve un truc dans le dos, « Rien de grave, me dit-il. Faisons une biopsie dans un mois pour voir si c’est cancéreux ou non. » J’ai tenté de rester stoïque. Au même moment, mon ami scénariste me confirme que mon projet de roman d’amour est retenu. Me reste à écrire ce roman, maintenant.

Aube rose
Aube rose

Dimanche 18, Tignes

Tim fonce dans la poudreuse. Ivre de joie, il ne voit pas une corniche et se retrouve dans le vide. Cinq mètres plus bas, il atterrit comme il peut, un de ses skis a disparu. Je viens à son aide. On finit par récupérer son ski après une belle frayeur. Pendant ce temps, Isa roule vers Barcelone où elle retrouve des amis avant de s’envoler pour New York. Sommes-nous une famille moderne ?


Suis-je entré dans l’âge à partir duquel j’aurai toujours mal quelque part ? Douleur persistante sous la couille droite.

Mardi 20, Tignes

Alpes
Alpes

Mercredi 21, Tignes

Pendant ce temps Isa est à New York. Et je me dis qu’un journal intime d’aujourd’hui devrait mêler plusieurs vies et plusieurs médias.

Isa depuis New York
Isa depuis New York

Vendredi 23, Balaruc

Les enfants me rendent fou. Impossible de les bouger le matin pour skier, le soir ils ne pensent qu’à jouer, ils se disputent avant de s’endormir, ça recommence au milieu de la nuit parce que l’un ou l’autre prend tout le lit, et ça empire le matin. La promiscuité ne nous vaut rien. Retour à la maison avec deux jours d’avance, d’autant que ma douleur inguinale me rend le ski désagréable.

Dimanche 25, Balaruc

Conversation animée hier soir avec Stéphane Laborde, une de nos conversations jeu. Le sujet : la définition du logiciel libre. Stéphane finit par dire qu’un logiciel libre donne des droits qu’un logiciel privateur ne donne pas. Je trouve ça très bien. Mais alors, pourquoi parler de liberté ? La liberté engage l’homme, la liberté est relative, on ne peut pas faire du mot liberté un synonyme d’avoir tel ou tel droit. Je continue de penser que l’usage du mot liberté à tort et à travers est dangereux pour la liberté elle-même.

Lundi 26, Balaruc

Après les narrations sur Facebook, Twitter, Wattpad, Instagram… arrivent les narrations sur SnapChats. Une grande différence avec ce que nous avons vécu il y a une dizaine d’années : alors que les expérimentateurs fourbissaient leurs armes littéraires sur ces plateformes, c’est désormais des entreprises qui les utilisent pour vendre leur sauce tomate préférée. Le pli est pris : nouveau média implique nouvelle narration donc source de business possible. En résumé : créateurs circulez, place au business. Ça signifie aussi qu’il y a de l’argent à prendre pour les artistes qui savent se vendre.


Passage chez le toubib. Ma douleur inguinale serait liée à une inflammation des attaches de l’adducteur droit. Je préfère ça qu’avoir un truc tordu aux couilles en plus de trucs suspicieux dans le dos.


Nouvelle série de corrections sur Mon père était un tueur qui ne s’appellera sans doute pas ainsi quand il sortira en janvier 2019. Pierre me demande d’être plus précis sur les noms des armes de mon père. Je vais donc chez ma mère pour les regarder de plus près. Quand elle voit la lettre laissée par mon père et que je n’ai toujours pas ouverte, elle me dit : « Je vais la détruire. » Je m’empresse de la récupérer. J’ouvrirai cette lettre le jour où mes corrections seront terminées.

Mardi 27, Nîmes

Balade glaciale sous une lumière aveuglante pour boucler ma géolecture autour de Pierre Ménard. La ville est sublime, mais impossible de m’alanguir pour écrire en extérieur.

Nîmes
Nîmes

Mercredi 28, Balaruc

Il neige… c’est assez rare pour nous émerveiller.

Neige
Neige