Samedi 2, Balaruc

Si j’avais encore la foi, j’écrirais un article sur les réseaux sociaux. Le titre en serait Humain incompatible. Je commencerais par parler de Strava, l’exemple d’un réseau humain compatible. Il me sert à me connecter avec mes amis sportifs. On partage nos parcours de vélo et de running, on compare nos performances et on s’encourage. Je me fiche d’avoir des followers que je ne connais pas, je ne recherche aucune visibilité, simplement le partage. Tant qu’un réseau social en reste là, je n’ai pas grand-chose à lui reprocher. C’est tout le contraire quand un réseau devient un lieu de visibilité, donc d’ego et de business, et me transforme à chair à saucisse pour le marketing.


Dans American Sniper, Chris Kyle attribue à Ryan Job, un Navy Seal comme lui, la déclaration suivante : “Despite what your mama told you, violence does solve problems.”, soit « Malgré ce que votre maman vous a dit, la violence résout des problèmes. » Cette phrase pourrait très bien se retrouver en exergue du livre sur mon père. Kyle l’a utilisé comme slogan pour Craft International, entreprise qu’il avait créée pour former des snipers, peu de temps avant son assassinat.

Dimanche 3, Balaruc

Dans Maintenant, le Comité invisible a écrit : « Il n’y a qu’à une population parfaitement sous contrôle que l’on peut songer d’offrir un revenu universel. » Sauf que personne ne va nous l’offrir ce revenu universel, nous allons nous le créer en créant des monnaies libres.

Lundi 4, Balaruc

C’est fait, j’ai passé une journée à basculer mon blog en SSL, à obéir aux injonctions de Google. Le web est mort depuis que des entreprises privées y font la loi, imposant leurs règles avec plus de rigueur que les états policiers. Elles réussissent ce tour de force parce qu’elles disposent d’une police algorithmique d’une terrible efficacité. Plus l’IA se développera, plus le totalitarisme s’imposera. Ne jamais oublier que nous sommes libres que parce qu’il était difficile de nous contrôler.

Mardi 5, Balaruc

Un lecteur m’insulte. Il a acheté Ératosthène, il a lu quelques pages et il a eu envie de me renvoyer le livre tellement il le trouvait nul, peu drôle, et surtout sans rapport avec Ératosthène (c’est sûr, il n’entre en scène que dix pages plus tard). Je lui ai répondu : « Si je devais écrire à tous les auteurs dont les livres me tombent des mains, je n’en finirais pas. »

Jeudi 7, Balaruc

En couverture de NewScientist, une question très con : « Why do our brain speak the language of reality? ». Parce qu’il est un objet de cette réalité.

Vendredi 8, Balaruc

J’entends le président du Secours populaire parler de son engagement. « Par exemple, je suis allé au Tibet faire le point sur le travail que nous avons effectué après le tremblement de terre. » Combien a-t-il dépensé pour aller au Tibet ? Combien de personnes son association aurait-elle pu aider avec cet argent ? Sa présence de VIP avait-elle le moindre intérêt ? Ça, il n’en parle pas.


J’ai crashé le disque où je sauvegardais des centaines de films. Rien d’irremplaçable, mais tant de classiques étaient là bien au chaud, toujours disponibles. Leçon : tout sauvegarder sur des disques montés en Raid 1, copier en prime les données personnelles sur le cloud.


Mentir dans un récit peut aider à paraître plus vrai, parce que plus intelligible. La réalité est trop chaotique.

Samedi 9, Arles

Nous retrouvons des amis. Simple plaisir de voir des expos, de s’installer en terrasse, de parler, de rire, d’être ensemble. Une amie avocate me raconte une anecdote : « Je suis dans un bar à vin, avec deux copines, dont l’une est oenologue. Elle nous commande une bonne bouteille, mais elle la trouve bouchonnée. Le patron refuse de l’admettre, il ne veut pas servir une autre bouteille. Au bout de dix minutes de discussion stérile, je finis par goûter ce vin. C’est évident qu’il est bouchonné. Mais je dis qu’il est liégeux. Le patron reprend son verre. Il avoue qu’il y a en effet quelque chose de liégeux dans ce vin. Résultat : il nous a offert deux bouteilles. » Mon amie est une excellente avocate.

Photo d’une photo
Photo d’une photo

Dimanche 10, Arles

J’entraîne mes amis aux Alyscamps, puis dans le cloître de Sainte Trophime, deux hauts-lieux de l’esprit méridional. Le passé m’y saute toujours à la figure en même temps qu’une puissance intemporelle que porte la lumière éblouissante. Il suffit que je me pose dans un coin pour être heureux, peut-être parce que je me sens alors immortel. Ça ne dure pas…

Alycamps
Alycamps

Lundi 11, Montpellier

Là où les grues s’arrêtent, là où les avenues se transforment en chemin, là où commencent les terrains vagues et les décharges. J’explore la frontière de Montpellier, qui me fait penser à celle de Rome filmée par Antonioni dans L’Éclipse. Dans mon dos, l’autoroute, l’ultime frontière, au-delà de laquelle commence une autre ville, d’autres zones encore indéterminées que le cancer immobilier finira par gangréner. Ce sera préférable à l’amoncellement de détritus. Durant des décennies on a balayé vers la frontière les poussières de la ville.

La frontière est mouvante. En six mois, des tags ont recouvert les tags que j’avais photographiés en février, et des moins bons. Tout ici se transforme plus vite qu’au centre, et ça ne se stabilisera qu’une fois profondément ingéré dans le ventre de pierre et de fer.

Je suis venu au bord de la ville pour reprendre la rédaction de ma géolecture. J’ai envie d’écrire tout sauf cette fable, mais je dois trouver quelque chose à dire, et ne pas juste écrire pour remplir mon contrat.

Frontière
Frontière

Mardi 12, Montpellier

Ville nouvelle
Ville nouvelle

Mercredi 13, Balaruc

Je n’aime raconter que des histoires vraies, ou du moins celles que je crois vraies. Il m’arrive parfois d’imaginer une histoire comme prétexte pour dire des choses sur la vie, le monde, la politique, pour faire passer des messages plus ou moins philosophiques. Je ne suis jamais très heureux du résultat.

Pourquoi devrais-je mettre mes idées dans la bouche de mes personnages ? Pourquoi devrais-je transformer les lieux que j’aime en décors de roman ? La réponse est assez simple : la peur. Oui, j’ai parfois peur d’avancer sans masque, d’être jugé, d’avouer des pensées sombres ou difficiles, j’ai surtout peur d’ennuyer, alors je travestis le réel en le recouvrant d’une couche d’affabulation.

Le difficile : user de la fiction pour transcender le réel, pour en révéler les potentialités cachées. C’est alors tout le contraire du mensonge.

Jeudi 14, Balaruc

Soir
Soir

Vendredi 15, Balaruc

Comme je bute sur ma géolecture, j’ai décidé me mettre à coder des applications mobiles. Des années que je n’ai pas appris de nouveaux langages, utilisé de nouveaux environnements de développement, ça risque de faire mal.

Dimanche 17, Balaruc

Je réussis à faire tourner quelques lignes de code sur mobile, mais que c’est difficile, je suis rouillé. Je sens que si je ne pousse pas plus loin ce sera ma dernière incursion dans le monde du code.

Mercredi 20, Balaruc

Vous et moi sommes des magiciens. Je peux écrire, vous pouvez lire. « Un après-midi de juillet quand même les insectes se taisent ; une falaise avec un sentier poussiéreux rejoint la mer bordée de rochers blancs. » Je n’ai pas besoin de plus de mots pour nous transporter sur une île désertique des Cyclades, lors d’un été caniculaire. « Une femme seule se baigne, sur le dos, les bras en croix, les jambes à peine écartées. Elle lévite au-dessus du sable à travers l’eau translucide. » En plus d’être des magiciens, nous sommes des télépathes. Je construis des images, puis les transpose en mots que vous matérialisez en vous, et tout devient possible.


Mon appli de géolecture avance, mes yeux voient trouble, j’ai mal au crâne…

Vendredi 22, Balaruc

J’ai bien fait d’insister, je sais maintenant coder en React Native, l’environnement développé par Facebook. Je suis bluffé par la puissance du bazar. Une fois bien comprise, la logique asynchrone du code, ça roule presque tout seul. J’ai maintenant un bon prototype pour ma géolecture. Reste à perfectionner le code tout en écrivant le texte.

Samedi 26, Balaruc

Soir
Soir

Mercredi 27, Montpellier

En vagabondage pour ma géolecture.

Samedi 30, Balaruc

Je code, je code, je n’en dors pas… Mon application tourne, mais bugue, je vais y arriver… La programmation aura dévoré deux semaines, à faire et refaire l’interface de mon appli de géolecture.