Quand j’ai publié J’ai débranché, un ami m’a dit qu’il avait préféré les passages où j’évoquais mon père et ma famille. Quand je publie tous les mois mon Carnet de route, des lecteurs me disent qu’ils aiment quand je parle de mon vécu. Je crois qu’en tant qu’auteur nous ne pouvons être vrai que quand nous nous racontons, que ce soit dans le témoignage ou la fiction. C’est particulièrement vrai pour Olivier Martinelli qui partage son cancer avec nous dans L’Homme de miel.
Mon cancer s’écrit myélome et je ne peux m’empêcher de penser « miel-homme ». Il me paraît plus doux, du coup, moins agressif. Grâce à lui, je me sens comme un héros Marvel. Je suis l’Homme de miel.
Je suis copain avec Olivier, pas intime, on se voit trop rarement, mais maintenant je ne sais plus comment je devrai lui parler la prochaine fois. Je savais pour son cancer, il m’avait montré ses cicatrices, il n’avait rien caché, ni de la souffrance ni du risque de récidive, avec la même franchise que dans son récit, simplement il était resté le malade et moi un peu gêné, un peu compatissant, un peu embarrassé d’être bien portant.
Voilà ce qu’Olivier écrit sur les bien portants :
Ils écoutent sans m’interrompre. Ils dodelinent d’un air compréhensif. Ils posent leurs mains sur mon épaule et finissent toujours par me demander si je vois quelqu’un. Ils n’osent pas prononcer le mot « psy ».
Je ne suis pas allé jusque là. Restait un peu de gêne que la lecture de L’Homme de miel vient de balayer. Olivier ne m’a pas raconté sa maladie comme il l’avait déjà fait lors de nos rencontres, il me l’a fait vivre. Avec son style serré à la rythmique infernale, un rythme essoufflant, qu’on ne supporterait pas sur des centaines de pages, il a réussi dans la brièveté qui est sa forme de toujours à partager une épreuve existentielle. Quand un texte nous grandit ainsi, nous enrichit, nous augmente d’expériences que nous n’avons pas encore vécues, nous pouvons le ranger au centre de notre bibliothèque, à l’endroit où nous le trouverons facilement pour le conseiller à nos amis.
Olivier nous donne une leçon de courage, d’optimisme. À l’écrivain, il donne le désir d’être vrai, d’arrêter d’imaginer des fadaises. Nous avons besoin plus que jamais de vérité. Tout le reste n’est que mise en scène. Olivier a refusé tous les apparats, c’est tout nu qu’il marche vers nous.
Avant de lire L’Homme de miel, j’avais entendu dire que ce texte était un véritable coup de poing. Mais non. Un coup de poing nous retourne, parce qu’il nous dit une vérité que nous ne voulions pas entendre, ou qu’il nous ouvre les yeux sur une réalité que nous ne voulions pas voir. Rien de tout ça ici. Olivier nous fait une confidence lumineuse, il nous montre comment nous battre quand notre tour arrivera, il nous dit de vivre… c’est doux comme message, presque chaleureux, à l’opposé de ce qui se passe sur un ring.