En juillet dernier, sur une plage grecque, ma belle sœur me raconte que sa fille qui entre en cinquième doit lire durant l’été L’homme qui plantait des arbres de Giono, lecture imposée par son collège parisien. Elle a vu sur Amazon mon édition ebook du livre, mais pas de version papier. « Dommage ! Tu as perdu une vente. »
J’ai perçu cette remarque comme un défit.
J’imagine immédiatement de tenter une expérience. À mon retour de vacances début août, j’ai commencé par regarder le prix des éditions papier du Giono, aucune n’était inférieure à 6 €. Sur CreateSpace, je suis capable de sortir de petits livres à moins de 4 € en réduisant ma marge au maximum. J’ai donc immédiatement publié le Giono pour voir si, en le mettant à un prix plancher, j’en vendrais quelques-uns.
Les choses n’ont pas été simples. Parce Giono est mort en 1970 et n’est donc pas dans le domaine public, CreateSpace a bloqué la publication de mon texte. J’ai dû batailler pendant plus d’un mois pour leur faire admettre que ce texte était dans le domaine public par la volonté de son auteur durant son vivant, en 1953, que c’était pour cette raison justement que je l’avais initialement publié en 2010 en ebook, pour montrer que ce domaine public n’était pas nécessairement réservé aux morts.
Une fois la chose admise, j’ai dû batailler pour que mon édition apparaisse avec les autres éditions concurrentes. Parfois, je me disais que Gallimard, l’éditeur de Giono, me mettait des bâtons dans les roues. Facile de devenir parano quand la belle mécanique automatique du Net coince. Au final, fin septembre, mon Giono s’est retrouvé à sa place.
En voyant François Bon lancer sa collection Les Grands Singuliers, je me suis dit que c’était l’occasion de faire le point chiffré sur mon expérience. Pas de quoi sauter au plafond, mais je vends tout de même un exemplaire par jour du Giono, il me fait donc gagner 1 €/jour. Si les choses en reste en l’état, je gagnerais 365 €/an avec ce Giono.
Maintenant je vous propose une martingale pour vous faire plus que de l’agent de poche. Prenez cent textes du domaine public qui sont étudiés au collège et au lycée. Préfacez-les, mettez-les en vente au prix plancher sur Amazon. Vous voilà avec un revenu potentiel de 36 000 €/an.
Si par ailleurs, vous ne choisissez pas le prix plancher (ce qui pour moi était politique), mais vous contentez d’être largement en dessous du prix pratiqué par les éditeurs (ce qui restera politique), vous pouvez multiplier par deux cette marge.
Les premiers seront les premiers servis. Cette manne ne se tarira que quand les éditeurs en place prendront en compte les réelles potentialités du monde numérique (Pour le Giono, c’est fait, Gallimard a réagi deux jours après mon article). Se lancer dans un tel projet d’autoédition à bas coût du domaine public, c’est peut-être le meilleur moyen de faire bouger les lignes. Les morts rapportent souvent plus que les vivants, beaucoup d’éditeurs s’appuient sur eux et en oublient expérimentateurs vivants. Alors que ces expérimentateurs s’amusent à leur couper l’herbe sous les pieds, ce serait de bonne guerre (ma martingale est dans le domaine public, mais pas tous mes livres, vous pouvez aussi les acheter à prix plancher).