Wattpad, ce n’est pas neuf, mais le phénomène commence à faire couler quelques lignes dans les médias. En préparation d’un article pour le Figaro, Jules Darmanin m’a posé quelques questions…
— Comment avez-vous découvert Wattpad ?
— Pour moi, Wattpad est dans le paysage depuis des années, mais je n’y prêtais pas attention parce que des djeuns (1) y publiaient des fan fictions (2) majoritairement en anglais (3). Ces trois raisons me tenaient à l’écart de la plateforme. Avec mon blog et mes livres, je croyais détenir les clés du paradis de l’auteur numéricus… Sauf que l’audience des blogs pour le romanesque n’a jamais été glorieuse, ni les interfaces très adaptées, alors quand j’ai lancé mon feuilleton 1 minute, j’ai testé Wattpad (en synchronie avec Neil Jomunsi). Au début pour voir, puis avec de plus en plus d’enthousiasme.
— Voyez-vous ça comme un retour de la littérature en feuilleton ?
— Qu’est-ce qu’un blog sinon un feuilleton ? Ça me fait bien rigoler quand on nous promet un retour de quelque chose de déjà imposant dans le paysage littéraire contemporain, sauf pour les aveugles. OK, le blog romanesque n’est pas dominant, alors, depuis des années, des éditeurs découpent des ebooks en épisodes et les publient hebdomadairement ou mensuellement, sans succès fracassant. Parce que ces textes n’ont ni été pensés pour le Net ni pour des lecteurs nomades adeptes du smartphone. Wattpad nous place dans une autre situation : il nous offre une audience à condition que nous écrivions pour elle, quitte à essayer de l’arracher à sa zone de sécurité.
— Quel genre d’interactions avez-vous avec vos lecteurs ? Avec d’autres auteurs ?
— Je retrouve la même fraîcheur et spontanéité dans les commentaires qu’au début des blogs. Pas de réserve, de retenue. Les lecteurs disent ce qu’ils pensent et ce qu’ils ressentent. J’ai un peu l’impression d’écrire avec les lecteurs perchés sur mes épaules. C’est très motivant, une sorte d’émulation sociale. Parfois je reçois de véritables analyses qui témoignent chez de jeunes lecteurs d’une extraordinaire perspicacité. La communauté est joyeuse, avec cette idée qu’expérimenter ne nous demande qu’un peu d’audace. Un concept assez éloigné de l’espace littéraire traditionnel.
— Quelles ont été vos plus grandes surprises lorsque vous avez parcouru la plateforme ?
— En France, l’air de rien, des centaines de milliers de jeunes lecteurs lisent de jeunes auteurs. Alors, oui, on trouve des fautes, des lourdeurs, mais quelle joie de voir émerger en direct une nouvelle génération de passionnés de littérature. Ils sont obsédés par les fan fictions, les romances style After, les super héros supra lucides… tout en restant assez curieux pour avoir visité mes minutes plus de 120 000 fois. Si j’étais éditeur, je passerais mon temps sur Wattpad et cesserais de m’intéresser aux manuscrits envoyés par la poste. En tant qu’auteur, je vais là où se trouvent les lecteurs en même temps qu’un champ de liberté.