Je suis désolé, amis auteurs, j’ai une mauvaise nouvelle (et notamment pour moi qui sors aujourd’hui Clitoria). J’ai découvert que notre avenir serait encore moins rose que nous ne le pensions, tout ça par le plus grand des hasards.
Hier soir, mon amie Line me raconte qu’elle lit désormais en numérique, mais qu’elle vient de se faire rouler par Amazon. Elle commande la version Kindle de City, le roman d’Alessandro Baricco. Tout heureuse, elle ouvre le livre, mince il est en italien. Furieuse, parce sur la page Amazon tout était en français, elle se dit qu’il y a tromperie. Après vérification, elle découvre la mention de la langue en petits caractères.
Sans réfléchir, je lui dis qu’elle aurait pu se faire rembourser le livre. « La vente de fichiers, c’est de la vente par correspondance, a priori tu as 14 jours pour demander le remboursement. » Une idée saugrenue germe en moi. « Si je peux me faire rembourser tous mes ebooks, ça veut dire que j’ai 14 jours pour les lire gratuitement. »
Ce matin, sans prendre la peine de consulter la législation, je tente une expérience. Après avoir lu le terrible et sublime assassinat de notre Goncourt 2014 par Salker, je vais chercher ailleurs, et pourquoi pas un roman plus ancien que je me promets de lire depuis longtemps La théorie de l’information de Aurélien Bellanger.
Amazon est donc désormais la plus grande bibliothèque publique du monde. Reste à espérer pour les auteurs que les lecteurs n’abuseront pas de cette petite combine.
Faut-il abroger la mesure « satisfait ou remboursé ». Bien sûr que non. Quand on achète à distance, cette possibilité de retourner les produits est vitale. C’est un lien de confiance. Faut-il la limiter aux produits physiques ? Pas plus, il me semble. Line avait toutes les raisons de se faire rembourser. Parfois les livres sont vraiment mal ficelés en version électronique et méritent qu’on les retourne. Idem pour les logiciels. Mais il est clair que notre droit de ne pas être satisfait implique une possibilité légale de tout pirater.
Nous ne nous en sortirons que par un sursaut de responsabilité. Que par un geste des lecteurs envers les auteurs qu’ils aiment lire. Parfois, je doute. Ce matin, avant même de me lancer dans cette expérience de piratage légal, en rentrant d’accompagner à vélo les enfants à l’école, je surprends une bonne femme qui dévide un distributeur de sacs à crottes pour les chiens. « Vous n’avez pas de complexe », lui dis-je. « Vous en avez, vous ? » me demande-t-elle tout en continuant à voler aux yeux de tous les sacs. Oui, j’ai des scrupules. Parce qu’avec des milliards d’humains sans scrupules, la planète ne résistera pas longtemps.
PS : Il paraît qu’il ne faut pas abuser de la technique, sinon Amazon peut fermer votre compte.