Il suffit de suivre un fil de news pour constater que quelque chose cloche dans le monde. Je reçois assez régulièrement la newsletter d’un ami qui compile pour ses proches les faits marquants du moment. Ce matin, sommaire éloquent.
- Le monde en 2030, selon la CIA
- Obama nie un retour de la Guerre froide avec la Russie, sans convaincre
- La lutte contre l’évasion fiscale occupe le G20
- Alain de Benoist « GMT : comment les USA vont continuer de dépecer l’Europe… »
- La Chine furieuse de la rencontre prévue entre Obama et le dalaï-lama
- Les banques centrales préparent les nouvelles bulles de demain
- L’incroyable erreur des experts du FMI
- 1913-2013: Le siècle perdu
- Les Américains ont perdu foi dans l’avenir
- Hollande et Obama appellent à un "accord ambitieux" sur le climat
- Pétrole : ces projets géants qui partent à la dérive
- Faut-il croire au crash sans précédent sur les marchés actions que prédit le stratégiste de la Société Générale ?
- Le graphique qui fait resurgir le spectre du krach de 1929 à Wall Street
- Série de suicides dans le milieu financier
- Les cinq leçons du « fuck the EU ! » d’une diplomate américaine
- Fukushima : un niveau inédit de césiums radioactifs mesuré près de l’océan
- Le Canada tremble face à l’arrivée des jeunes Français
- Mexique : arrestation de Joaquin « Chapo » Guzman
- La décadence de l’Empire romain: toute ressemblance…
- Qatar Airways tente à son tour les avions 100 % classe affaires
Je n’ai aucune envie de lire ces articles. Le spectacle de leur titre suffit à me désespérer. Alors que faisons-nous ? Nous nous laissons entraîner vers a décadence ou nous reconstruisons ? Une autre civilisation, il va sans dire, car celle qui nous a vus naître déraille. Elle est incapable de prendre en charge les problèmes écologiques, économiques et philosophiques de l’humanité. Excepté la quête du fric qui en aveugle encore certains, la plupart des humains vivent sans appétence.
Je sais que chaque époque se croit extraordinairement défaillante. Mais la nôtre est aussi extraordinaire. Nous inventons de nouvelles possibilités, tout en étant incapables de les promouvoir. C’est le big bug. Il nous reste à imaginer des scénarios de sortie de crise.
- La liberté s’accroît avec la complexité de la société (démonstration dans L’alternative nomade).
- C’est une liberté pour tous, ce qui n’implique pas l’égalité, sinon dans le potentiel d’usage de cette liberté.
- L’utopie doit donc nous maintenir sur la courbe de la complexification tracée dans les années 1940 par Teilhard de Chardin.
- Si l’utopie survient après une catastrophe (moins d’humains, d’échanges, de technologies…), elle débute dans un monde soudain simplifié.
- La simplification conduit inévitablement au totalitarisme (exemple Espagne 1936 et la fin du rêve anarchiste).
- Les utopistes doivent donc s’efforcer de rétablir la complexité et de la démultiplier, sinon ils risquent de tomber dans le totalitarisme, et de se prendre au jeu des pouvoirs.
- La complexité implique l’impossibilité du contrôle coercitif, le top-down. La seule méthode de gouvernement est l’auto-organisation (éviter de parler du bottom-up qui souvent se résume à faire remonter les idées du bas et de les soumettre aux petits chefs).
- Comme l’a montré Herbert Simon en 1962, la complexification s’accompagne d’une fragilisation (état de l’économie contemporaine), puis d’un effondrement (Jared Diamond).
- Pour éviter la catastrophe, la seule solution est la transition. Exemple dans l’histoire du vivant : le passage des êtres unicellulaires aux multicellulaires il y a en gros 0,9 milliard d’années. Une partie de la complexité globale de l’écosystème a été internalisée. Cela revient à imbriquer les complexités de manière fractale. Pour survivre, la société utopique doit réussir une telle métamorphose.
- Cela revient à casser les structures de managements, à internaliser la complexité dans des communautés, tout en les liant entre elles massivement.
- L’utopie est nécessairement technologique. La gestion de la complexité implique un réseau de communication hyper développé.
- Cette utopie exige l’accroissement de l’intelligence collective, donc un haut degré de l’individuation (que chacun soit un et irréductible). Cela n’est possible qu’avec une diversification des goûts et de la consommation, notamment des biens culturels (tout le contraire de la consommation de masse).
- Un moyen évident de pousser cette diversification est de libérer les œuvres de l’esprit, d’en verser le plus possible dans le domaine public, de favoriser leur circulation sans entrave (ce n’est bien sûr pas l’unique moyen : un revenu de base aurait un effet semblable, et peut-être plus radical, en permettant à tout le monde se se payer les œuvres de son choix).
- La légalisation des échanges non-marchands, droit de faire circuler les œuvres de personne à personne, n’est donc pas une lubie de pirates, mais une nécessité pour une société qui veut transiter vers l’utopie et dépasser la crise de la complexité. Sans cette légalisation, notre niveau de conscience restera trop bas et la complexité entraînera notre écroulement (le financement de la création est un problème annexe dans cette histoire).
- L’utopie commence par la mise en place d’une nouvelle économie, une économie de paix par opposition à une économie de prédation. Cette nouvelle économie existe déjà. Il nous reste à la développer.
Je prends conscience que le revenu de base, en nous offrant un revenu inconditionnel, nous donnerait un accès plus libre aux biens culturels. Ce serait un démultiplicateur de l’intelligence collective. Il agirait à un niveau beaucoup plus bas que la légalisation des échanges non-marchands. Il est donc plus universel, mais cette universalité en rend la mise en place plus difficile.
La militance pour les échanges non-marchands s’attaque au problème de façon moins profonde. C’est une première étape sur la route de l’utopie. Peut-être la seule praticable. Pour preuve, elle se développe depuis de nombreuses années. Elle peut se jouer des résistances gouvernementales, même les lois finiront par s’en accommoder.
Quoi qu’il en soit, échanges non-marchands et revenu de base participent tous deux à l’économie de paix. Dans les deux cas, nous assistons à une entrave des forces de prédation de l’ancienne économie. Le pauvre et le riche accèdent aux mêmes biens culturels (biens communs). Le pauvre peut dire non au riche qui veut lui imposer sa volonté (revenue de base). Les gens se sentent moins obligés, plus libres. C’est un pas de plus vers la pacification sociale, et immédiatement vers un surplus d’intelligence collective, donc une chance de transiter, de dépasser la crise de la complexité et d’atteindre l’utopie.