Parce qu’ils me font gagner une fortune. Ha ! ha ! Vous n’y avez pas cru, j’en suis sûr. C’est pas la bonne raison. Il faut chercher ailleurs mon intérêt pour ces petites capsules de Web.
D’abord, le rapport à l’écriture. Au stade actuel de mes élucubrations, le propre de l’écriture Web, c’est le Send, cette capacité de lâcher la cavalerie immédiatement dans une chevauchée fantastique. Rien ne nous empêche d’en faire autant avec les ebooks. Tous les bons éditeurs de texte génèrent désormais des epubs à la volée. Hop, sur Immateriel, et voilà le texte propagé dans toutes les librairies.
Dans La stratégie du cyborg, j’ai considéré l’interaction avec le lecteur comme le Graal de l’écriture Web. J’en suis revenu. Ce n’est qu’une possibilité, non encore intégrée aux ebooks eux-mêmes, il est vrai. Je crois même qu’elle affaiblirait les ebooks. Et cela sur un plan énergétique.
Je m’explique. Mon blog est hébergé sur un serveur Web, qui me coûte 20 €/mois, qui a besoin d’électricité, de maintenance. Si j’oublie de payer, je disparais du Web. Si je ne veille pas au grain, je me fais hacker et je disparais aussi du Web. Si je dis des choses déplaisantes, je risque d’être censuré par le gouvernement. Un site Web est une entité provisoire. Certes mobile de serveur en serveur, mais avec un corps relativement lourd et mortel à brève échéance.
En comparaison, un ebook est une plume numérique, un ange, un bout de coton. C’est un fichier inerte qui peut dormir des mois sur un serveur sans jamais être réveillé. Une fois dans toutes les librairies, il n’en partira pas tant que ces dîtes librairies existeront. Son coût de stockage est nul. Et si de nouveaux formats apparaissent, la conversion ne nécessitera qu’un minuscule convertisseur. L’ebook est une machine à séparer le texte de sa forme, cette forme étant en grande partie dictée par l’appareil de lecture.
Un ebook est en quelque sorte autosuffisant. Il est ce qui se rapproche le plus du livre papier. Il n’a plus besoin de son auteur, de son électricité, de son attention de mère poule. Il navigue seul dans l’hyperespace.
Il implique une totale perte de contrôle. Il n’est plus rattrapable. C’est une sorte d’enfant qui s’émancipe de ses parents. En comparaison, un site reste éternellement un bébé. Je suis toujours en train de lui changer les couches et de lui donner le biberon. Je l’adore, il fait mon bonheur, mais je risque de craquer un jour (et de fait cela se produira inévitablement).
Le site, c’est l’atelier de création. La maison, un chez-soi ou on peut repeindre les murs à tout moment. Je ne pourrais pas m’en passer, mais j’éprouve le besoin de laisser s’envoler de temps en temps quelques pigeons voyageurs. Qu’ils aillent nicher loin de chez moi, qu’ils s’y reproduisent et mènent leur vie en toute indépendance.
L’ebook, comme le livre, est une façon pour moi de m’alléger. De dire « C’est terminé cette affaire, je passe à autre chose. » De dissocier le texte de l’écriture conduisant au texte. L’ebook, c’est un outil d’émancipation. Un sorte de balai numérique. Je fais le ménage dans l’atelier. Je range certaines choses dans les cartons, sans trop avoir envie de les rouvrir un jour (même si rien ne m’en empêchera).
J’aime les ebooks autant pour leur minimalisme technique que pour leur résilience politique et écologique. Et puis je les aime aussi parce que je passe mon temps à lire les ebooks des autres. Hier, j’ai pris un coup de chaud avec Le minotaure ou la halte d’Oran de Camus.