Je suis sans cesse connecté, mais vous croyez peut-être que je suis déconnecté comme en 2011 parce que vous ne me voyez plus en ligne. Je boycotte avec de plus en plus de facilité les réseaux sociaux, et je ne m’en porte pas plus mal.
Ce matin, je passe sur Twitter, et ça me désole. J’ai l’impression que tout le monde écrit désormais de la même manière. Je vois tout un peuple malingre s’accrocher à ce lieu social. Quand il coulera, les rats refuseront de quitter le navire. Ils ne prendront même pas conscience qu’ils sont en train de boire la tasse.
Je devrais me taire, éviter d’aborder ce sujet. Mon discours ne fera que conforter ceux qui ont déjà parcouru le même chemin que moi. Il agacera les passagers heureux qui ne veulent pas ouvrir les yeux sur leur misère. Il énervera la petite élite qui prospère sur cette même misère. Il ne trouvera qu’une oreille attentive chez les rares internautes en transit.
Twitter m’apparaît pestilent.
Chacun y sème sa crotte pour témoigner de son existence. Nous sommes passés de l’anonymat de l’ancienne société prénumérique à la transparence absolue, une transparence qu’il faut même nourrir sinon on pourrait laisser croire qu’on ne vit rien d’intéressant.
Alors je te pète à la figure. Je t’envoie une bombe nauséabonde. Et toi tu ne résistes pas à jouer avec au ping-pong. Alors même que les entrepreneurs derrière nos services ne s’arrêtent pas de changer les règles du jeu en cours de partie (fini les RSS publics sur Twitter, photos qui t’appartiennent plus sur Instagram…). Leur seul but : nous cadenasser dans leur salle de jeu. La transparence numérique, c’est comme si on enfermait les délinquants dans des prisons avec des murs de verre.
Continuez, si cette vie vous comble. Perso, j’en cherche une autre. Plutôt que de publier comme des ânes, nous devrions prendre un peu de distance, peut-être parler des écrits des autres, donner envie de les lire. Et ne me dites pas qu’un tweet donne envie. Celui qui l’envoie ne fait que clamer son existence. « Regardez-moi. Je suis à vendre, à louer, à sodomiser. »
Je n’ai pas envie de faire l’amour avec vous tous. Vous devriez mieux vous laver le troufignon, et pensez d’abord à une bonne purge gastrique. Vous avez réussi à ramener la TV sur le Net. Avec tout ce qu’elle a de désolant.
Non, je ne vais pas me déconnecter, mais me connecter plus que jamais aux gens qui comptent, aux services qui me servent… et un service me sert s’il me rend heureux plus que je ne l’enrichis au passage. Condition que ne remplit plus aucun service social à la sauce 2.0.
Plus vous êtes visibles sur le net, plus vous comblez quelques marabouts modernes. Vous êtes devenus leurs VRP bas de gamme. Pas pour vous de commission mirobolante. Ils vous méprisent. Ils vous prennent pour des crétins. Et franchement, ils n’ont pas tort. Vous rampez à leurs pieds. Ils vous balancent des coups de tatane, vous en redemandez. Masochistes.
Alors vous crachez dessus me fait plaisir. Ça me soulage. Le net grand défouloir de nos bêtises. Et moi qui ai pensé que nous changerions avec le monde. Il se change tout seul sans que nous ayons notre mot à dire. Il se change vers là où ça lui chante. Le constructivisme philosophique n’a jamais eu d’avenir. Je le savais, j’ai voulu croire le contraire.
Je n’ai pas d’autre choix que de me détacher du grand fleuve pour rejoindre un jardin numérique plus intime. À vouloir tous profiter des rayons du soleil, nous nous faisons tous de l’ombre. Plus de place pour que nous nous allongions tous sur la plage. Elle a été découverte par les foules. Chance joyeuse, la planète numérique est potentiellement infinie. Nous pouvons y bâtir de nouveaux atolls, peut-être faits de quelques rochers qui émergent de la blogosphère.
Malheureusement, sans révolution technologique, il ne se passera rien. Nous sommes enlisés dans une pensée née dans les nineties. Nous avons besoin d’un après blog. Depuis quelque temps je rêve d’un ebook-blog. Un livre qui se mettrait à jour chez les lecteurs. Nos futures lunettes feront clignoter les rayonnages de nos bibliothèques. La diversité envahira l’espace. Et si vous continuez à péter avec autant d’acharnement, il me faudra encore fuir plus loin. Dans un jardin avec de vraies fleurs, de vrais arbres, une terre lourde envahie de vers nécrophages. Le bonheur est là, l’écriture ne devrait avoir d’autre but que de le provoquer chez l’auteur, elle devrait ignorer le lecteur, le visible… tout cela n’a jamais été son affaire.