Ou des cruches, ou de simples générateurs d’énergie comme dans Matrix. Tous branchés. Vous croyez recevoir et vous donnez votre vie à la machine.
Vous croyez à tors ces services définitifs, alors vous y construisez votre réputation, vous accumulez des amis postiches, vous en parlez partout… et le cash circule, et vous n’en recevez pas une miette, ce qui à terme vous dégoûtera en plus de la mauvaise haleine du patron.
Vous qui êtes très populaires dans cet univers, qui en êtes les vedettes, qui êtes bien les seuls à en tirer bénéfices, vous crachez sur les critiques, mais vous serez les premiers à changer de boutique quand le vent tournera.
Vous prétendez que vous partagez, que vous inventez la société du don, que vous êtes altruistes, mais personne ne vous croit. Vous n’êtes que des opportunistes qui détournez le partage au nom de votre seule gloire.
Je n’arrive pas à vous détester. Vous vous êtes tant pris au jeu que vous en avez oublié les règles. Le plus souvent vous dîtes la vérité, votre vérité, qui est un mensonge que vous avez fini par ignorer.
Je tente de me ressaisir. J’ai un temps versé comme vous dans le partage factice. Un lien par si, un lien par là. Une info qui intéresse deux ou trois solitaires et voilà des amis en plus dans mon carnet d’adresses. Alors je recommençais, le nombre augmentait, j’allais devenir un astre dans une galaxie bourrée de planètes plus ou moins vivantes.
Je croyais construire avec patience mon jardin alors que je tondais la pelouse du manoir d’un milliardaire qui n’avait aucun respect pour moi. Sa principale préoccupation étant, comme au plus beau jour du capitalisme, de faire en sorte que je dépense plus dans ses succursales, à force de crédit, que ce qu’il me donnait comme oseille.
Toujours plus pauvre. Chaque fois dépouillé quand de dépit je changeais de maître, car il ne me laissait pas emporter mes adresses, je finissais par répéter ailleurs les mêmes jérémiades. Un lien par ci, un lien par là. Je me persuadais, par ce geste négligeable, que je contribuais à un développement révolutionnaire de la civilisation.
Je ne faisais que m’abrutir, que me détourner de ceux qui pourraient devenir mes vrais amis, de ceux à qui je pourrais parler jusqu’au cœur en prenant plus de temps pour creuser des sillons plus profonds avec eux, pour eux.
J’ai fui la télé, j’y trouve pire sur les réseaux sociaux, un abrutissement généralisé où on oublie même de me raconter des histoires, où chacun de nous serait son histoire, mais une histoire susurrée sans soucis d’aller en elle jusqu’à ce qui pourrait nous nourrir tous.
Et il n’est pas étonnant que, désormais, les fans affichés de ces réseaux se passionnent aussi pour la télé, et réciproquement. Nous assistons à une grande fusion de ces univers initialement dichotomiques. La télé devient sociale, les réseaux télévisuels. Le net s’enlise dans la télévisualisation.
Alors des voix s’élèvent depuis des recoins obscurs, que les monstres motorisés hésitent de plus en plus à parcourir, de peur d’y pêcher la subversion. Ils ont dans l’idée d’effacer de la carte des technologies dangereuses pour eux, comme les flux RSS ou le P2P. Il ne faudrait pas que les sources énergétiques de la matrice puissent s’alimenter d’elles-mêmes sans passer par le tiroir-caisse central.
La vie continue. Nous tenons la baraque. Nous nous accrochons à nos îles. Nous lançons des bouteilles à la mer sous forme d’ebooks, libres de toute attache, que rien ne pourra détruire sinon un orage magnétique d’une force dévastatrice.
Et je m’excuse par avance devant tous ceux qui partagent avec la main sur le cœur. Vous avez été récupérés. Vous défendez souvent des idées contraires à celles poussées par le vent dominant, mais, en le faisant sur le voilier amiral, vous ne faites que le célébrer.