L’année dernière, Jean-Marc Pasquet me dit que Gouverneurs de la Rosée de l’écrivain haïtien Jacques Roumain est un récit aussi limpide que L’homme qui plantait des arbres de Giono.
De retour chez moi, je me précipite pour acheter ce livre et l’envoyer sur ma liseuse. Introuvable en epub ou en mobi. Sur le Net, je lis partout qu’il s’agit d’un chef-d’œuvre et ce chef-d’œuvre n’est pas disponible, sinon dans quelques éditions papier plutôt onéreuses, pour un texte qui en toute probabilité est désormais dans le domaine public. Roumain est mort en 1944 et en Haïti les droits s’étendent 50 ans après la mort de l’auteur (merci @calimaq pour la précision).
Je finis par dénicher un PDF en vente chez Numilog, mais je m’en détourne. Un PDF est quasi illisible sur une liseuse et je n’ai pas envie de gâcher ma lecture.
Un an passe, je repense au roman de Jacques Roumain. Toujours rien, sauf ce PDF. Je finis par céder. Je ne vous dis pas la galère. Il faut avoir du courage pour acheter un fichier chez Numilog. Je dois pratiquement déclarer tout mon état civil avant d’aller plus loin. Et ce n’est pas tout. Je dois installer Adobe Digital Edition pour lire le bazar car des DRM le verrouillent. Je découvre alors un PDF en effet pourri, issu d’un vulgaire scan, donc totalement inadapté à une lecture électronique moderne.
Avant même de pouvoir lire ce livre, je dois le remettre en forme.
Virer les DRM du PDF avec ePUBee. La simplicité de l’opération suffit à démontrer la stupidité des DRM.
Convertir le PDF en Word avec Zamar.
Le texte est ainsi OCRisé, mais il me faut supprimer des centaines de sauts de ligne inutiles, rétablir les italiques, les styles. C’est la tâche la plus longue, la plus fastidieuse. Elle me prend de longues heures. Éditer un livre, c’est un travail, même en électronique.
Je découvre que l’OCR a ajouté son pesant de fautes mais, pire, que l’original issu d’un ouvrage édité en 1979 par les Éditions Désormeaux est lui-même truffé d’erreurs. Aucune cohérence typographique. Ponctuation hasardeuse.
Je passe Antidote sur le texte, c’est l’apocalypse, car en prime le texte mélange français, parlé haïtien, espagnol, je fais mon possible pour démêler les trois, alors que je n’ai pas encore lu le texte. J’en ai juste reniflé la prose sublime.
À ce stade, je génère un premier epub que je peux envoyer sur mon Kindle avec Calibre et c’est l’enchantement. J’ai sué pour lire ce livre mais je sais déjà que je le relirai chaque fois que je douterai de notre génie. Roumain nous invite à l’action individuelle et collective.
Au fil de la lecture, j’effectue de nombreuses corrections, j’homogénéise. Les italiques. Les sauts fautifs. J’ajoute des notes. Je termine par pondre une mini préface.
Vous pouvez maintenant télécharger gratuitement le roman de Jacques Roumain. Signalez-moi les fautes, j’actualiserai cette édition. Vous êtes libres de la propager, à votre façon. Je la diffuserai aussi sur toutes les librairies électroniques pour 0,99 €… parce que le libriste doit aussi rentrer quelques centimes, au moins pour payer l’hébergement de son site. C’est une façon détournée d’autoriser le don.