Les réseaux sociaux font de nous des pornographes

J’écris. Je suis souvent seul face à mon écran. Je n’ai pas de collègue de bureau. Alors la tentation est grande de me promener sur les réseaux sociaux à la recherche d’un peu de chaleur humaine. Et je me sens soudain encore plus seul.

Une première interprétation me traverse : « Si tous ces gens éprouvent du plaisir à échanger tous ces messages de peu d’intérêt, c’est que je ne leur ressemble pas, que je n’ai rien de commun avec eux, que nous ne vivons pas dans le même monde. » Et je me sens encore plus seul. Une seconde pensée arrive alors : « Ils échangent tous ces messages parce qu’ils sont seuls. Ils tentent de combattre un vide vertigineux, quitte à friser l’overdose de publicités subliminales. »

Dans les deux cas, je conclus que les réseaux sociaux actuels ne me rendent pas heureux. Et sans trop prendre de risques, je suis tenté de généraliser. Vu l’état de déprime des Français et de la planète, si les réseaux sociaux ne sont pas seuls responsables de la morosité, ils ne font rien pour la combattre. Et même au contraire. Ils nous poussent à parler de tout, à nous intéresser à tout, mais jamais il n’est question d’action. C’est comme avec tous les médias. On nous adjoint d’être spectateur, jusqu’aux faits les plus insignifiants de nos vies.

Malheureusement, je suis persuadé que seule l’action nous rend réellement heureux. La pornographie peut calmer quelques ardeurs mais faire l’amour c’est tout de même plus satisfaisant. Ça aussi on peut le généraliser. Les réseaux sociaux font de nous des pornographes.

J’ai donc entrepris une démarche de « slow connexion ». Pas question de quitter à nouveau le Web pour six mois ou plus longtemps. J’ai trop besoin de la mémoire de l’humanité, aussi d’interagir avec mes frères d’armes littéraires ou politiques, mes lecteurs, mes amis. Je veux rester prêt à l’action, je veux continuer à penser la transversalité, mais en me tenant à l’écart du bruit social où tout le monde veut briller, marquer des points, gagner de l’audience.

Je vais limiter ma présence sociale, présence déjà bien minimale, les annonces de mes nouveaux billets étant publiées automatiquement par IFTTT. Je me contenterai de réagir quand je serai interpellé, ou quand une bouffée de rage m’emportera. Je ne ferme aucune porte, je me tiendrai simplement loin d’elles. Pour mesurer le succès de ma démarche, il suffira de suivre l’évolution de mon score Klout.

klout
klout

Cette métrique a pour vertu de nous démontrer que pour exister sur le Web il suffit de multiplier les publications, aussi brèves soient-elles. C’est une simple évaluation de la présence médiatique, en aucune manière d’un quelconque tallent, sinon celui d’y passer beaucoup de temps ou de se faire seconder par un média qui nous appuie de la force de tous ses esclaves salariés ou affiliés.

Souhaitez-moi que Klout ne soit pas avec moi. Si ma courbe ne baisse pas, c’est que je suis incapable de gagner un internet plus campagnard que celui des mégalopoles. Je les ai fuies au physique, je veux aussi me mettre au vert du virtuel. J’ai la certitude que dans ses bois peu fréquentés on cueille le bonheur à toutes les branches.