Je suis fan absolu du Kindle à 79 €, ancienne génération. Il ne me quitte jamais. Je l’oublie moins souvent que mon iPhone. C’est à ce jour le reader ultime.
Alors, quand Amazon a annoncé son successeur le Paperwhite, je l’ai immédiatement précommandé. Et je l’ai reçu le jour même de sa sortie, presque avec une fébrilité enfantine, celle que nous éprouvions durant les années 1980-1990, quand entre deux machines les bonds technologiques étaient foudroyants.
J’avais lu tant d’articles élogieux sur le Paperwhite que je ne doutais pas de mon plaisir. J’ai même manqué en commander deux d’un coup, un pour moi, un pour Isa. J’ai bien fait de me modérer.
Les journalistes technos ne savent plus ce que signifient tester. Ils se contentent de copier-coller les communiqués de presse et de se faire les porte-paroles des apôtres du marketing. D’ailleurs, je me demande combien de livres ils lisent par an et quelle est leur légitimité à critiquer un reader. Passons sur cette autre imposture.
Une première chose me choque quand je déballe le Paperwhite, ces balourds d’Amazon, pas réputés pour leur élégance il est vrai, ont écrit « Kindle » en blanc sur fond noir en bas du lecteur. Contraste maximum sous mes yeux. Pub permanente. Comme si je ne savais pas déjà, comme si je n’étais pas déjà un acheteur. Apple a cette décence de se faire discret. C’est pas grand-chose, juste un peu de respect.
Sur l’ancien Kindle, Amazon écrivait en noir sur fond anthracite, c’était encore discret, discrétion abandonnée sur tous leurs nouveaux modèles. Je vais devoir gratter le logo ou le masquer au feutre indélébile. Comme si d’avoir gravé « Kindle » dans la coque arrière ne suffisait pas.
Autre surprise, le poids. Je savais que le Kindle passait de 170 g à 213 g, je jugeais a priori ce changement anecdotique. Il n’en est rien. Quand on tient un appareil d’une main parfois pendant plusieurs heures non-stop, 43 g font beaucoup de différences. Je m’y adapterai. N’oubliez pas cette nouvelle loi : plus un reader est léger, plus il est agréable.
Mais le pire m’attend dans le Paperwhite lui-même. L’éclairage de l’écran, la grande nouveauté, n’est pas homogène sur les bords. Ombres, halos, effets néon. J’étais là encore prévenu. C’est supportable, mais pas très digne d’Amazon. De jour, je couperai cet éclairage, qui je l’avoue reste bien utile quand Isa s’endort avant moi. Alors nouvelle surprise : sans l’éclairage le blanc de la page est tout juste plus blanc qu’avant, le noir de l’encre électronique pas plus noir. On m’a vendu un meilleur contraste au soleil…
Et ça continue. Quand l’éclairage intégré du Paperwhite est actif, tourner plusieurs pages coup sur coup me donne le mal de mer. L’affichage tressaute. La transition passe par un flash noir comme à l’époque des toutes premières liseuses. Sans l’éclairage, cet effet disparaît. Une page se fond dans l’autre tout naturellement. Ouf ! Je m’en sors en éteignant ou en réglant la luminosité toujours au minimum.
Jusqu’à ce point, excepté la déception, rien de rédhibitoire. L’éclairage peut être mis en veilleuse. Le logo gratté. Mes doigts musclés pour supporter le nouveau poids. Mais que puis-je faire pour m’adapter à l’interface indigente ?
La couche tactile ne répond pas. Je suis habitué à celle de mon iPhone et de mon iPad, où le moindre titillement engendre une réaction. Le Kindle en comparaison est frigide. Il répond si lentement à mes caresses que j’insiste sans cesse. Le temps qu’il traite ma première commande, j’en ai passé par précipitation une dizaine. Alors je dois faire marche arrière. Si par erreur je clique trop haut, trop bas, trop à gauche ou trop à droite, je n’obtiens pas la réaction attendue. C’est à devenir fou. Je ne m’y habituerai jamais. J’ai l’impression de tenir un des PDA tactiles des années 1990.
Apple a fixé le standard des appareils tactiles. Soit Amazon se hausse à ce niveau, soit Amazon s’abstient. Je trouve un livre et en change bien plus vite sur l’ancien Kindle non tactile. Je ne m’énerve jamais d’avoir pressé sur la mauvaise touche. Le tactile d’Amazon n’apporte rien, sauf un surcoût.
Sur la page d’accueil du Paperwhite, Amazon se paie une nouvelle pub et nous mange la moitié de la surface (pour désactiver la pub, il faut fouiller le second écran des paramètres). Pour chercher les livres, représentés par leur vignette, il faut tourner des dizaines de pages (oui, j’ai des centaines de livres). Mais pour tourner les pages, il faut tapoter la droite de l’écran. Si par malheur, je tapote une couverture, le livre s’ouvre. Je dois le fermer, revenir en arrière, mon énervement s’accroît. C’est tout simplement insupportable. Solution : à partir du menu principal, basculer en affichage liste pour revenir à une navigation à la mode Kindle old school (seulement 8 titres affichés par page contre 10 avant, mais elles tournent et s’affichent plus vite qu’avec les couvertures).
Une fois dans un livre, je me calme. Je règle la typographie. Les 212 dpi du papier électronique ne supportent pas vraiment le Baskerville ou le Palatino (il nous faudra apprendre au moins le 300 dpi). J’en reste au traditionnel Caecilia du Kindle et retrouve mes anciennes habitudes.
Mais je découvre un nouveau raté. Quand je veux saisir une note, je dois me coltiner le clavier tactile qui ne répond pas. Sur mon vieux Sony PRS, je pouvais déjà il y a quelques années écrire sur l’écran. Pourquoi Amazon n’offre pas cette possibilité ? Quand je lis, je veux annoter d’un geste, stylet en main. Réveillez-vous Amazon, corrigez les bugs de l’interface, ajoutez cette fonction dans la prochaine version de votre Kindle OS. Vite, une mise à jour. Je me répète, votre tactile ne nous sert à rien.
J’en suis au point où je ne vois pas l’intérêt du Paperwhite. Cinquante euros de plus que le Kindle standard pourquoi ? Que des inconvénients pour un bénéfice épisodique, la lecture dans le noir. Mieux vaut des boutons réactifs, qu’une couche tactile d’un autre temps.
Je reste fan du Kindle, mais en mode 79 €. Qu’Amazon revienne avec un OS décent et on en parlera. Le hardware du Paperwhite n’est pas tant en cause que la manière dont le logiciel le gère. Ne croyez pas que mon modèle soit défectueux, je sais encore déceler la défection des programmeurs. En fait, j’aimerais avoir un Kindle standard avec l’éclairage intégré, ajustable par un bouton latéral comme sur iPad.
Le kindle Paperwhite sera ma liseuse de nuit, ma liseuse d’insomnie, point barre.
Notes ajoutées à l’usage
- La batterie faiblit beaucoup plus vite que sur les anciens modèles quand l’éclairage est à forte puissance (il faut juste que je pense à brancher le Paperwhite de temps en temps).
- Après mise à jour via Calibre, le Paperwhite met plusieurs minutes à actualiser la liste des livres.
- Il a souvent du mal à classer les livres dans l’ordre d’ajout. J’ai des titres qui restent inexplicablement en tête de mes lectures. Parfois des livres en cour de lecture se retrouvent enterrés dans la liste. Peut-être la faute de Calibre, ou de ma manie d’ajouter/supprimer sans cesse des livres.
- Comme on ne peut plus sauter de chapitre en chapitre d’un simple clic, il devient impossible de se promener dans un livre (passer par le menu est une tuerie).
- Je tiens la liseuse de la main gauche. Pour tourner les pages, je dois soit tendre un doigt vers la droite, et comme la couche tactile est peu réactive, ça réagit pas toujours. Alors je dois bouger ma main droite. C’est pas top. Avant, on pouvait lire, d’une main. C’était même un des arguments en faveur du Kindle.
- Mais je ne pourrai déjà plus me passer de l’éclairage. Le Paperwhite est bien la liseuse des insomniaques. Il a détroné mes anciennes liseuses, et même l’iPad. N’empêche je m’étais attendu à un peu mieux. Quelques nouveaux bénéfices se paient par quelques oublies, les boutons latéraux par exemple.