Des journées se gorgent de lumière, des journées hivernales avant coureuses du printemps, des journées qui nous poussent dehors, des journées où l’on respire à nouveau, où l’on a l’impression de vivre pour la première fois, des journées à vous faire pleurer de joie, des journées qui frappent notre cerveau, en modifient la topologie, effacent les ombres qui pouvaient l’avoir pénétré, des journées de purification, des journées sans désirs – comment encore avoir des désirs quand nous éprouvons la satiété des sens –, des journées transparentes où nous ne faisons rien et où nous recevons tout, des journées qui nous font dire à quoi bon les autres, sinon pour attendre qu’elles surviennent enfin et nous enivrent, des journées à nous faire regretter de ne pas être peintre, – car la photographie va trop vite alors que le trait nous pousse à savourer chaque ligne –, des journées de déconnexion pour mieux se connecter aux choses les plus immémoriales, des journées de régénération, de jouvence, d’éternité, des journées presque effrayantes – nous pourrions nous y abandonner, nous y consumer et renoncer à transformer le monde –, des journées bleues, roses sur la fin, blanches sur les crêtes des montagnes, des journées ni froides ni chaudes, des journées qui ne touchent pas le corps qui les éprouve avec d’autant plus de puissance.
J’avais pris ma liseuse sur la plage pour corriger un texte. J’ai regardé les enfants. J’ai crié sur Émile pour l’empêcher d’aller dans l’eau. Pour repousser le moment où nous devrions rentrer et interrompre ce moment. J’ai crié sans cesse mais Émile n’entendait pas. Il était dans la lumière, attiré par les vagues, irrémédiablement.
Bon, ce matin je me suis éveillé avec le rhume des foins — allergie aux cyprès — je n’ai pas pu éviter l’antihistaminique et voici que je me mets à écrire comme un poète à la con.