Un texte est-il un jour terminé ? Que serait devenue La recherche du temps perdu si Proust avait vécu plus longtemps ? Montaigne n’a jamais cessé de modifier et de compléter ses essais après leur parution. Aujourd’hui, nous nous référons à l’exemplaire de Bordeaux, jugeant les adjonctions ultérieures superflues. Mais existe-t-il un état idéal d’un texte ?
Je ne le crois pas. Un texte est fait pour vivre, au gré des humeurs de l’auteur et des commentateurs. Il ne se fige que quand plus personne n’est capable de le porter plus loin. Ainsi L’Iliade et L’Odyssée finirent par se stabiliser.
J’ai pour ma part continué à modifier tous mes textes même après leur parution. Par exemple, je diffuse en numérique une version augmentée du Peuple des connecteurs. J’ai commencé à écrire une préface à La stratégie du cyborg et j’ai déjà publié un texte que je voudrais placer en postface.
J’ai décidé d’appliquer cette méthode avec La tune dans le caniveau. Mon idée, placer un texte avant le début actuel, densifier le milieu, peut-être ajouter un texte qui vient après.
Je n’aurais pas songé à ces modifications sans les remarques qui m’ont été faites par mail, en commentaire ou sur les blogs qui ont parlé du texte.
La lecture interactive de Ferocias m’ouvre pas exemple des pistes tout au long du récit. C’est comme si le lecteur, en nous ouvrant son cerveau, inséminait dans le texte lui-même de la matière à incuber.
Nous ne sommes pas en train de créer une œuvre collective mais d’appliquer La stratégie du cyborg. En tant qu’auteur, je suis le nœud d’un réseau social. À chaque version du texte, un texte qui s’épaissirait peu à peu passant de la nouvelle à la novella et pourquoi pas au roman, je pourrais intégrer les idées qui viennent de toute part. C’est une aventure d’écriture au temps du numérique.
Quels travaux vais-je entreprendre ?
On a critiqué l’introduction.
On m’a dit que le texte était trop court et trop frustrant.
J’aurais exposé trop rapidement mes idées, surtout pour les lecteurs peu familiers de mon blog.
On aurait aimé plus de descriptions de Paris.
On m’a dit qu’il manquait une chronologie historique pour expliquer comment on en était arrivé à la situation décrite dans le texte.
On m’a dit que le texte pouvait laisser croire que j’étais marxiste.
On a qualifié la fin de mystérieuse et ambiguë.
On m’a dit que j’étais trop dans l’énonciation, pas assez dans le romanesque (d’un autre côté, c’est ma forme et je risque de renforcer l’énonciation). J’aime le romanesque quand il me force à penser des choses nouvelles, je n’aime guère le travestir pour dire des choses déjà claires pour moi.
Un intéressant échange avec l’Hérétique, a déjà engendré un billet et va me forcer à creuser ce que j’entends par inclassables. Beaucoup de lecteurs n’ont pas perçu, il me semble, que ce texte dénonçait l’opposition riche-pauvre et proposait un éclatement des camps.
Une remarque de l’Hérétique, sur Tweeter cette fois, selon laquelle la loi de Pareto traverse la dématérialisation, me forcera à développer le multi platform argument (selon lequel la vie peut avoir différents supports et que donc changer de support, c’est-à-dire fuir vers l’immatériel, ne règle aucun problème). Du coup, je serai bien obligé de confronter Extase avec Noam après l’épisode du doppelganger.
La liste n’est pas close. L’idée est justement de ne jamais la fermer. J’ai une belle équation à résoudre. Pour autant, je continuerai d’écrire selon mes envies, mais chaque remarque sera comme une idée qui traverse mon esprit, peut-être elle n’aura aucune suite, peut-être elle engendrera des dizaines de pages.
PS1 : Ferocias a commencé dans le même temps l’écriture d’une nouvelle à cœur ouvert.
PS2 : J’ai pris un peu de retard à cause de ma sinusite mais dans les jours qui arrivent j’annoncerai l’ouverture de l’atelier pour mon prochain roman, un texte destiné aux enfants de 9-12 ans. J’utiliserai le template WordPress CommentPress. Ce blog ne sera accessible que sur enregistrement.