Depuis quatre jours, nous tentons de discuter de l’avenir du livre à Ouessant. Mal dit. Je recommence. Nous tentons de discuter de l’avenir du texte et de la lecture. Et nous nous interrogeons sur notre métier d’auteur, d’éditeur, de distributeur, de propulseur et de lecteur.
Je crois qu’il existe trois manières de publier, dont la première domine, la seconde balbutie, la troisième reste à inventer.
L’édition
Un éditeur se choisit une cible, puis se fait une idée de ce que veut lire cette cible, puis tente de trouver les livres qui satisferont cette cible, quitte à diriger le travail des auteurs ou de l’altérer pour qu’il rentre dans un moule.
Beaucoup d’éditeurs se défendent de se prêter à ce jeu, beaucoup d’auteurs jurent de ne pas être entrés dans ce jeu. Je crois qu’ils en sont tout simplement inconscients, que leur conscience se refuse à accepter ce fait. Pourquoi ? Ils ne sont pas libres, mais cherchent sans cesse à rembourser les capitaux qu’ils ont engagés dans leur aventure éditoriale.
L’autoédition
Un auteur dans son coin décide qu’il a écrit un chef-d’œuvre. Fatigué de le voir refuser (par les éditeurs qu’il peut à juste titre traiter de maîtres d’école et de détenteurs du bon goût), il envoie son texte sur le Net, le distribue partout, sauf dans les librairies.
Certains commettent même l’erreur d’imprimer leur texte et d’entrer dans la vieille logique capitaliste. Ils déboursent quelques milliers d’euros pour entretenir encore quelque temps le réseau des libraires et le système de diffusion qui dicte aux éditeurs, puis aux auteurs ce qu’ils doivent publier, où et comment.
Il va sans dire qu’un livre autoédité par un inconnu ne trouve pas de public (ne me sortez pas une exception qui infirmerait cette règle.)
Le texte n’a pas été travaillé.
Il n’a pas été formaté pour un public lui-même formaté.
Il n’a pas de prescripteurs autres que lui-même.
La coédition
Il s’agit de remettre l’auteur, ou plutôt les auteurs, au centre du processus.
Des auteurs se rassemblent en une coopérative (pas nécessairement définie administrativement).
Ils s’échangent leurs manuscrits, les retravaillent, les corrigent, les éditent, les traduisent… Ils peuvent même se cotiser pour employer un éditeur professionnel à plein temps.
Ils diffusent alors leurs créations. Dans ce cas, ils négocient la distribution non exclusive avec divers opérateurs (Apple, Amazon, Lulu… et pourquoi pas les Fnac, Hachette ou un autre réseau traditionnel). Ils se sont instaurés en éditeur sans que personne d’autre qu’eux-mêmes ne dispose de leurs droits.
Il leur reste à trouver un prescripteur (ce qu’on appelle en anglais un publisher, qui s’occupe de faire vendre, par opposition à un éditeur, qui s’occupe à parfaire le texte). Bien sûr les auteurs peuvent effectuer de la prescription croisée à travers leurs réseaux sociaux, mais il faut bien ventiler cet écosystème. Aujourd’hui, c’est paradoxalement la tâche la plus complexe, parce qu’elle n’est pas naturelle à la plupart des auteurs.
Ce n’était que quelques réflexions matinales avant une dernière journée de discussion à Ouessant.