Si vous faites du sport, vous vous affutez.
Le yoga des yeux, cette gymnastique oculaire, peut même aider à corriger l’astigmatisme ou la myopie.
Si vous mangez moins, vous vivez plus vieux. En tout cas, c’est prouvé chez les souris.
Mais notre cerveau est-il lui aussi malléable que le reste de notre corps ?
Nous en avons la preuve et nous l’avons trouvée à Londres, dans les méandres labyrinthiques de cette ville tentaculaire. Lorsqu’on la traverse en taxi, elle révèle des quartiers mystérieux, des jardins à l’abri de cours discrètes, des pubs avec des terrasses accueillantes, des boutiques rutilantes qui promettent des objets secrets, des passages qui semblent mener vers des endroits encore plus énigmatiques comme ceux empruntés par Harry Potter.
Pour obtenir leurs licences, les chauffeurs de taxi mémorisent toutes ces rues qui entourent Charing Cross sur un rayon de six miles. Ils doivent connaître quatre cents destinations et les chemins les plus courts et les plus rapides pour les relier. Ils ont bien sûr des trucs mnémotechniques. Pour se souvenir de l’ordre des théâtres sur Shaftesbury Avenue, ils se répètent la formule magique « Little apples grow quickly » ce qui traduit en langage géographique donne « Lyric, Apollo, Gielgud, Queen’s ».
Les chauffeurs se frappent parfois sur le front en disant qu’ils ont une grosse tête. Ce n’est pas une métaphore. À force de naviguer dans la ville, de se représenter sa topographie, ils modifient leurs connexions neuronales. Les scanners cérébraux ont révélé que plus les chauffeurs ont d’ancienneté, plus leur hippocampe s’accroît .
Comme un muscle souvent sollicité, le cerveau se transforme pour mieux répondre aux tâches que nous exigeons de lui. D’autres études révèlent des métamorphoses comparables. Si on nous masque les yeux pendant plusieurs jours, notre sens du touché se développe suite à une modification très rapide du cortex visuel .
Nous sommes malléables.
Taper au clavier, déplacer une souris, glisser un doigt sur un écran tactile, titiller un joystick, lancer des commandes vocales, toutes ces actions, répétées des centaines de fois par jour, nous transforment. Nous n’interagissons plus comme par le passé avec le monde, nous nous le représentons différemment, au final nous allons y vivre différemment parce que dorénavant nous sommes tous connectés les uns avec les autres.
Il n’existe aucune fatalité biologique ou génétique. Nous pouvons nous transformer par nos usages. Si pour certains l’homme est une bête sauvage et le restera, l’expérience des chauffeurs de taxi londoniens prouve que la nature humaine est en perpétuelle réinvention. À nous de choisir le destin que nous souhaitons pour notre espèce.