Je commencerai mon prochain livre par quelques définitions comme j’ai pris l’habitude de le faire depuis Le peuple des connecteurs. Suite à vos commentaires, exigeant plus de rigueur, je me propose de définir le plus brièvement possible ce que j’entends par Mythe, Histoire, Flux, Propulseur… Ces définitions sont en chantier et je les modifierai au besoin (et suite à vos réactions). Je complète la définition commune par celle que j’utiliserai ici et dans le livre.
Mythologie 1. Ensemble des mythes et des légendes propres à un peuple, une religion, une civilisation… 2. Étude des mythes. 3. Ensemble des croyances se rapportant à la même idée et s’imposant au sein d’une société : le mythe de la mode décrit par Roland Barthes. Par extension (avec une majuscule) : partie de la vie de l’humanité où les informations se transmettaient principalement par la parole.
Histoire 1. Partie de la vie de l’humanité connue par des documents (écrits, sonores, visuels…). 2. Suite des évènements qui ont marqué une période (pour l’École des Annales tous les évènements sont importants mêmes ceux a priori anecdotiques). 3. Science qui étudie le passé de l’humanité. Par extension (avec une majuscule) : partie de la vie de l’humanité, située après la Mythologie, où l’information se transmet par la parole mais aussi par des documents.
Flux (1306 ; du latin fluxus qui signifie écoulement). 1. Écoulement d’un liquide quelconque hors de son réservoir habituel. 2. Marée montante. 3. Le flux impétueux de la foule. 4. Flux lumineux : quantité de lumière émise par une source lumineuse dans un temps déterminé. Par extension : écoulement de l’information ainsi que l’information elle-même qui évolue en temps réel. Exemple : sur un blog, les commentaires ne cessent d’enrichir le texte initial, notamment quand l’auteur participe à la conversation.
Flux (avec une majuscule). Partie de la vie de l’humanité, située après l’Histoire, où l’information se transmet par la parole, des documents statiques et des documents qui évoluent en temps réels.
PROPULSEUR Qui transmet le mouvement. (1846) Engin de propulsion assurant le déplacement d’un bateau, d’un avion, d’un engin spatial. Par extension : celui qui crée le flux d’information, le met en mouvement, le filtre, le redirige, l’enrichit, le fusionne à d’autres flux… Exemples : commentateur, écrivain, journaliste, éditeur, blogueur, microblogueur, artiste, philosophe, scientifique… tous ceux qui ont quelque chose à dire ou à partager, une grande idée comme un sourire.
L’écrit est à l’Histoire ce que le flux est à la nouvelle époque. Parler d’époque peut d’ailleurs être trompeur. Comme la Mythologie se continua dans l’Histoire, la Mythologie et l’Histoire se continuent dans le Flux (j’espère que mon graphique le fait bien comprendre). De nouvelles possibilités s’ajoutent qui ne font pas disparaître les anciennes.
Quand je propose de sous-titrer mon livre « De la civilisation de l’écrit à la civilisation du flux », je n’oppose pas le flux à l’écrit, encore moins à la parole. Je cherche juste à définir une civilisation par ce qu’elle montre de nouveau. Ainsi durant l’Histoire, même si l’écrit était bien présent, pendant très longtemps les hommes furent illettrés. La Mythologie était toujours là et elle sera toujours là. On ne l’oublie pas en chemin comme on n’oubliera pas en chemin l’écrit.
Par Histoire, je ne parle donc pas de cette science que font les historiens mais d’une « époque ». Je sais bien que les historiens ont cessé de voir le passé comme quelque chose de figé et que, pour eux, il n’est plus gravé dans le marbre. Qu’il faut sans cesse le réécrire en fonction des documents disponibles et des nouvelles analyses effectuées. Dans le Cinquième pouvoir, j’ai consacré un chapitre à ce sujet en discutant de la bataille de Borodino.
L’idée que le passé n’est pas figé dans le marbre remonte notamment à Darwin et aux tenants de la théorie de l’évolution. Le passé a beau s’être déroulé d’une façon donnée cette façon ne nous sera jamais complètement connue. Cette incertitude implique la nécessité de sans cesse revoir sa copie.
Pour ma part, je m’intéresse au temps présent, au temps vécu. Ce n’est pas parce qu’un historien réécrit l’histoire, qu’il lui attribue un caractère liquide, que les hommes qui vécurent dans le passé expérimentèrent le flux (franchement je ne vois pas le rapport). Le flux ne s’éprouve qu’avec le temps réel offert par les nouvelles technologies (c’est la parole et la pensée qui se fixent sans se solidifier).
Il y a l’acte de parler, l’acte d’écrire, l’acte de propulser… c’est de ce troisième acte que nait le flux en renouvellement continu. Écrire correspond à propulser. Si je voulais être rigoureux je devrais dire « De la civilisation de l’écrit à la civilisation de la propulsion ». Ça ne sonne pas bien il me semble.