Mieux vaut être anarchiste que de droite ou de gauche

Mieux vaut être anarchiste que de droite ou de gauche

Pour beaucoup, un anarchiste désire vivre dans un monde sans lois où chacun est seul maître de ses choix. Les conservateurs de tout bord ont toujours stigmatisé cette position pour mieux marginaliser les anarchistes.

Si un homme de droite sait comment se battre contre un homme de gauche, il est désarmé contre un anarchiste. Sa meilleure tactique est de déclarer l’anarchisme comme une pratique illégale, irréaliste, utopiste… autant de qualificatifs méprisants et dégradants pour la seule alternative politique à la droite et à la gauche, à cette caricature de blanc bonnet et de bonnet blanc.

Mais les temps changent. Comme j’ai tenté de l’expliquer dans Le peuple des connecteurs, les thèses anarchistes trouvent dans la nature même des phénomènes tant physiques que sociologiques une profonde justification.

Tout d’abord, il ne faut pas confondre l’anarchie et l’anomie, c’est-à-dire l’absence de loi. L’anarchisme d’une manière générale ne défend pas cette position extrême, pas plus que le désordre social ou la révolution. Au contraire.

D’un côté, nous avons l’ordre, la société où chacun a une place et obéi à un rituel codifié a priori, position souvent défendue par la droite. Les hommes de gauche, quant à eux, aspirent souvent à la révolution, un passage par le désordre extrême, cet autre côté, mais pour toujours revenir à l’ordre. Je confonds ainsi la droite et la gauche, car si elles ne prennent pas le même chemin, elles aspirent à la même société top-down.

L’anarchiste lui cherche à se maintenir entre l’ordre et le désordre, l’ordre des conservateurs, le désordre des révolutionnaires. Il se tient à cette position fragile entre deux états divergents, ce point de transition de phase comme il en existe entre l’état solide et l’état liquide.

À ce point particulier, dont nous avons découvert l’existence dans tous les systèmes complexes, notamment les phénomènes sociaux, la moindre impulsion provoque des modifications de grande amplitude. Par ailleurs, c’est à ce point particulier de tension que se produisent les auto-organisations, ou ces TAZ suivant le vocable de Hakim Bey. Bien que nées à la frontière entre deux états antagonistes, elles présentent une grande résistance aux perturbations. Elles montrent une résilience extraordinaire. Ce n’est pas pour rien si les systèmes biologiques en général se stabilisent dans cet état. Pour moi, aujourd’hui, un anarchiste ne devrait aspirer à rien d’autre qu’à maintenir sa vie, mais aussi l’ensemble de la société, à ce point particulier où notre puissance d’agir est maximisée.

L’auto-organisation ne se produit que si les hommes respectent des règles, soit empiriquement découvertes et adoptées, soient proposées et testées en petit comité avant d’être propagées. Qui dit règles, implique un système judiciaire, donc aussi une forme de gouvernance, gouvernance ne voulant alors pas forcément dire gouvernement avec des hommes responsables pour tous les autres.

Les conservateurs qualifient cette position politique d’utopiste parce que les hommes seraient pour la plupart des imbéciles capables de se transformer en bête sauvage si une élite ne les encadraient pas. Ils oublient de dirent qu’ils prétendent eux-mêmes appartenir à cette élite et que donc leur position n’est guère crédible.

J’ai toujours refusé de me définir comme un anarchiste. Je trouve que le mot possède un karma aussi mauvais que « socialisme ». Je pense que nous devons trouver un autre mot, un mot neuf, pour définir cette position au point de transition de phase, non pas entre la droite et la gauche, dans ce centre vide de substance, mais entre l’ordre et le désordre, dans cet espace de vie, cet espace de transition que la société a souvent traversé, temps aussi brefs qu’heureux, mais sans jamais juger bon de s’y maintenir.

C’était peut-être tout simplement impossible, faute d’un niveau de complexité adéquat. Là encore, les temps changent. Avec nos technologies de communication, nous ne cessons de démultiplier notre complexité sociale, tout en étant capable de communiquer les uns avec les autres pour augmenter nos chances d’interagir et donc de nous auto-organiser.

Qui sont les hommes qui défendent les idées politiques que je viens d’esquisser. Des connecteurs (puisque c’est en se connectant qu’on se maintient à la transition) ? Des transitionneurs (pour dire où ils se situent) ? Un vocable s’imposera. Je n’ai jamais eu aucun talent pour ce genre de jeu.

PS : J’ai écrit ce billet en réaction au coming out de Nicolas Voisin.