Phyrezo m’a fait découvrir Alternatives à la culture moderne, un texte de Raimundo Panikkar publié en 1982 où il dénonce déjà la croissance. J’y retrouve bien des idées que je développe sur ce blog et que vous retrouverez dans L’homme qui inventa la Terre. Panikkar diagnostique l’essentialisme occidental comme une des causes de nos maux.
Je ne le suis pas quand il accuse aussi la technologie et la science, domaines qu’il lie alors qu’ils peuvent se développer indépendamment il me semble. Le biface est une technologie qui s’appuyait sans doute sur aucune science (mais peut-être je me trompe).
On peut développer une technologie indépendamment d’une quelconque conception du monde. Des technologies diverses peuvent se développer parallèlement, de même que des sciences basées sur des paradigmes différents. Panikkar dénonce l’essentialisme et accuse la science occidentale d’être essentialiste. Mais, une fois rejeté l’essentialisme, on peut très bien imaginer le développement de sciences et de technologies diverses. La technologie n’implique pas nécessairement l’asservissement de l’homme (en plus je pense que la technologie n’a rien à voir dans cette histoire mais que c’est l’homme qui est un spécialiste de sa propre servilité).
Le mal, c’est l’essentialisme, ce totalitarisme (centralisation, globalisation, monnaie unique, gouvernance mondiale…). Quand le totalitarisme a conquis la totalité du monde, il ne lui reste plus qu’à s’effondrer.
Si la technologie peut être mise au service de ce totalitarisme, elle peut aussi servir la diversité. N’oublions pas que l’homme est un homo-habilis, un utilisateur d’outils. Qui dit outil, dit technologie. La technologie est consubstantielle de notre nature humaine.
Grâce à la technologie, nous nous sommes peu à peu rendus indépendant de la niche écologique qui nous avait vus apparaître. Nous sommes devenus plus forts, plus résistants, et je pense plus conscients car les outils nous aident aussi à percevoir.
En chemin, en sortant de notre niche, nous avons fini par vouloir nous rendre indépendant de la totalité de l’écosystème. Nous l’avons négligé et nous entrons dans une époque où il nous rappelle à l’ordre.
Mais la technologie n’est pas responsable. Notre orgueil est seul coupable. Sortir d’une niche pour explorer le monde est une chose. Sortir du monde tout en vivant dans ce monde est un non sens. Nous avons compris. Notre but ne doit plus être de nous rendre indépendant d’un écosystème mais de vivre en harmonie avec la biosphère, l’écosystème des écosystèmes.
Cette biosphère évolue, ne serait-ce que parce que nous y sommes de plus en plus nombreux. Notre survie n’est jamais assurée. Nous avons toujours besoin de nouvelles technologies pour nous adapter aux situations nouvelles.
Pour le reste, je vous conseille ce texte de Panikkar. Il y évoque la décentralisation comme la seule solution possible face à l’essentialisme. La décentralisation autorise chacun de nous à se reconnaître comme un centre. C’est une très belle idée.
Le paradoxe est que Panikkar a proposé son alternative à la culture moderne, la décentralisation, alors même que cette culture moderne créait Internet, un système hyper-décentralisé.