Quand j’évoque la transition sociale vers les réseaux, je ne la décris jamais en en termes de bien ou de mal. J’estime simplement que le le modèle pyramidal n’est pas durable. Nous devons repenser notre société globale pour survivre à neuf milliards dans un monde actuellement fini.
Les réseaux peuvent défendre leurs intérêts avec autant de force que les pyramides. Les réseaux peuvent entrer en conflit. Les réseaux peuvent se fermer. La biosphère s’appuie sur des réseaux et elle a inventé nombre d’horreurs. Je ne parle pas d’un nouveau monde de gentils. L’US army tente d’ailleurs de se restructurer en réseau pour répondre aux agressions terroristes. Les réseaux me paraissent juste une réponse souvent mieux adaptées que le pyramidal à la situation contemporaine.
De mon point de vue, nous n’avons pas le choix. Si nous ne changeons pas ce sera catastrophique mais je ne prétends pas que le monde des réseaux règlera toutes les inégalités et effacera tous les malheurs. J’espère qu’il sera plus équitable et plus harmonieux, mais je n’ai aucune certitude et je me garde de faire des prévisions.
Nous n’avons pas la solution au bonheur. Nous savons juste que la solution actuelle conduit au malheur. Alors essayons autre chose. Pour éviter que ce soit pire qu’avant, essayons de nombreuses choses, laissons à chacune une chance.
Cette approche, c’est la décentralisation. Elle repose sur la liberté des individus. Ils doivent entreprendre et expérimenter tout en étant liés les uns aux autres étroitement par l’interdépendance. C’est le libéralisme sans le capitalisme. C’est le libéralisme sans les pyramides, l’interdépendance devant empêcher les pyramides de s’élever plus que nécessaire.
Je ne dis pas qu’il n’y aura plus de pyramides mais simplement qu’elles ne devraient plus s’affirmer comme les structures dominantes. J’espère que la technologie nous aidera à échapper à la rationalisation pyramidale (les prétendues économies d’échelle par exemple… qu’on peut tout aussi bien, et même mieux, obtenir en réseau).
Dans la société en réseau, des hommes restent plus connectés que d’autres et, en ce sens, hiérarchiquement plus élevés. Mais cette hiérarchie ne légitime aucune autorité. Ce n’est pas parce que quelqu’un est plus connecté que moi qu’il peut m’ordonner de faire quelque chose.
Pour que cette société en réseau fonctionne harmonieusement, il faut que personne ne dépende d’une seule personne mais que nous soyons massivement interdépendants. Si un lien lâche, d’autres doivent prendre le relais.
Dans les relations d’homme à homme, le pire qui puisse arriver à l’un est de se retrouver à la discrétion d’un autre, écrit Rousseau.
La société en réseau harmonieuse devrait éviter cet écueil. Plutôt qu’un seul maître, cas de l’esclavage, nous dépendront d’une multitude de personnes. Ces interdépendances croisées devraient se modérer.
Si on a dix chefs différents, on n’a plus vraiment de chef. Quand on est artisan dans un réseau interdépendant, chacun des clients peut être vu comme un chef. On subit leurs contraintes mais on a la liberté de dire non à certains d’entre eux (un artisan avec un seul client est ni plus ni moins qu’un salarié).
Dans une société pyramidale, dominée par de grandes entreprises, les plus petites entreprises dépendent exclusivement des grosses, et les artisans des petites entreprises. Il y a une relation de dépendance hiérarchique.
Si les consommateurs finaux commencent à contacter directement les artisans, nous entrons dans un phénomène de longue traîne qui, s’il se développe, peut conduire à une reconfiguration générale de l’économie.