Dès qu’il est question des solutions pour atteindre un meilleur avenir, j’ai presque toujours constaté que deux camps se formaient : d’un côté les ultralibéraux, de l’autre les écologistes.
On a beau dire que le monde n’est pas tout blanc et tout noir, il nous apparaît souvent ainsi dans les débats où les opinions se cristallisent sur des positions extrêmes.
En gros, les libéraux veulent avant tout préserver les libertés individuelles. Ils sont donc contre des mesures qui voudraient imposer à tous certains comportements stéréotypés, par exemple rouler avec tel ou tel type de voiture, trier de telle ou telle façon les ordures, employer des ampoules économiques plutôt que classiques…
De leur côté, les écologistes pensent souvent que nous avons besoin de mesures érigées par le haut pour nous imposer certaines attitudes responsables.
Je me sens libéral et je trie mes ordures, j’utilise des ampoules économiques, j’ai le solaire à la maison, je mange bio… Les deux camps que je viens de décrire n’existent peut-être pas car je ne m’y retrouve pas mais je les ai observés s’affronter hier matin alors que, en route vers le Cap Ferret, j’écoutais sur France Inter Jean-Marc Fedida l’auteur d’Impasse de Grenelle. C’est un libéral qui craint les dérives totalitaristes de certains écologistes et qui dénonce les extrémismes comme j’ai pu le faire.
Au début de l’émission, un vote sur internet a été évoqué où une majorité des votants serait prête à renoncer à certaines libertés individuelles pour sauver la planète.
Ce chiffre m’a fait trembler. Depuis quelques temps, je sens partout la montée du totalitarisme : parfois pour combattre le terrorisme, d’autres fois la dépression économique, d’autres fois encore les dérèglements climatiques. Dans un monde complexe qui échappe de plus en plus au contrôle, les hommes de pouvoir feront tout pour essayer de maintenir quelques bribes de ce pouvoir. Nous voyons les prémices de ce mouvement sur internet où tout est bon pour imposer des règles liberticides. À force de céder de ci de là des bribes de liberté nous ne serons plus libres.
Jean-Marc Fedida a tiré la sonnette d’alarme assez maladroitement. Il a mal répondu à ses opposants : une auditrice manifestement intégriste, Noël Mamère et Corinne Lepage. Il leur a mal répondu car il n’a jamais montré qu’il était soucieux de la sauvegarde de la planète. Il a laissé croire qu’il était un ultra… de ces gens qui pensent que les hommes libres s’en sortent toujours, qu’ils finissent par trouver des solutions à tous les maux. J’ai cet espoir mais rien ne me donne cette certitude, sinon une foi aveugle en l’homme et ce n’est pas cela l’humanisme.
Dans un monde aux ressources illimitées, qui dispose d’un temps illimité, je suis sûr que nous serions capables de trouver la solution à n’importe quel problème. Malheureusement, rien ne nous prouve que nous soyons dans cette situation.
Pour autant, je ne peux suivre Corinne Lepage qui appelle à une gouvernance mondiale et à des règles universelles. Qui est capable de fixer ces règles ? Les experts ? Dans ce cas, nous nous trouvons bien dans une forme de dictature de l’expertise.
Depuis quand les experts ont-ils raison ? Il suffit de se tourner en arrière et d’observer que pour un qui dit juste il en existe souvent dix qui disent n’importe quoi. Je doute de leur compétence à nous légiférer.
J’ai montré dans mes livres que les mesures globales étaient par ailleurs très dangereuses, notamment quand elles visent à sauvegarder l’environnement. La solution, c’est la méthode de l’essai et de l’erreur à l’échelle individuelle. Il faut que les gens comme les entreprises puissent expérimenter à petite échelle avant que par auto-organisation nous assistions à une consolidation des mesures effectives.
Jean-Marc Fedidas n’a pas défendu cette troisième voie intermédiaire, ces troisièmes voies qui sont presque aussi nombreuses que chacun de nous. Nous avons deux extrêmes et entre elles des solutions innombrables.
Sans la liberté d’entreprendre nous ne sauveront pas la planète. Loin d’une exclusion entre libéralisme et écologie, il y a une complémentarité fondamentale et indépassable. Je pense que notre salut ne passera que par cette compréhension et je suis effrayé de voir souvent que ces deux facettes s’opposent systématiquement. C’est encore une forme de schizophrénie, un refus de la pensée complexe chère à Edgard Morin.
Je crois que quelques mesures générales doivent être prises par le haut. Les fameuses lois qui facilitent l’auto-organisation et lui donne une direction. Pour le reste, la liberté est capitale. Surlégiférer reviendrait à tuer notre capacité à innover.
Et pourquoi avons-nous besoin de quelques lois génératives ? Parce que la responsabilité n’est pas intégrée par tous comme corolaire de la liberté. Il y a des libéraux qui l’oublient… et, au nom de leur liberté, piétinent celle des autres. « Si je pollue ton air, je restreins ta liberté de respirer… je ne suis donc pas libéral car je ne suis pas responsable. »
Au non du droit de vivre, nous devons préserver la planète… préservation qui ne peut passer que par la liberté.
Nous n’avons pas à choisir entre nos libertés et sauver la planète, nous aurons la liberté et la planète ou ni l’une ni l’autre. La liberté sans planète n’est pas viable. Et la planète sans liberté serait un dénie de notre humanité comme la dit d’ailleurs Fedida.