Manuel Vila m’a posé cette question parce que j’essaie de défendre les auteurs en créant coZop. En gros, il me reproche de parler à la place des autres. Il a raison : personne n’a d’autorité pour parler au nom d’une communauté même s’il en fait partie.
Mais je ne parle pas au nom des auteurs, je ne parle qu’en mon nom, je dis ce qui me semble bien et j’essaie de faire avec coZop ce que certains auteurs attendent. Je ne prétends pas les satisfaire tous. Ce serait trop beau.
J’ai vu la bulle internet exploser en 2000, certes à cause de la spéculation, mais aussi parce que les auteurs en ont eu assez de créer des sites pour les seuls beaux yeux des providers et des moteurs de recherche. Soudainement, les gens ont arrêté de mettre des contenus en ligne. Ça leur coûtait et ils ne gagnaient rien.
Avec le web 2.0, un nouvel engouement est né, en grande partie provoqué par un mouvement gagnant-gagnant. Les auteurs ne gagnaient toujours pas de l’argent mais souvent de la notoriété, de nouveaux amis, des lecteurs… Ce mouvement, entretenu par la mode, commence à s’essouffler aujourd’hui. De nombreux auteurs se détournent des blogs, trop chronophages, vers des services comme Facebook plus ludiques et moins élitistes.
J’espère que ce mouvement ne s’intensifiera pas et que les auteurs du web ne disparaîtront pas. Je pense que nous devons les encourager, nous encourager à poursuivre l’œuvre collective que nous avons entreprise.
Pour produire, pour approfondir, il faut du temps... Sans contrat avec un éditeur ne j’aurais pas écrit Le peuple des connecteurs ou Le cinquième pouvoir. Ce n’est pas plus compliqué que ça. Le contrat, la promesse de lecteurs, m’a poussé à mener un travail approfondi et de le finaliser.
Si je regarde en arrière, aucun blog n’a révolutionné quoi que ce soit. Les textes marquant, en tous cas ceux qui m’ont marqué, ont été écris par des auteurs soutenu par l’ancien système. Leurs blogs, quand ils en avaient comme Chris Anderson par exemple, étaient des ateliers d’écriture comme le mien avec le cinquième pouvoir.
Le blog nous permet de surfer sur les idées mais pas de les rassembler dans un tout cohérent. J’aime le blog et sa forme journal mais, comme souvent en littérature, un journal ou une correspondance ne prend sens qu’en s’accrochant à une œuvre.
Avec les blogs, elle peut être individuelle comme par le passé ou collective, ce que rêve de permettre coZop. Mais pour émerger, elle demande du temps, de la patience, du soutien… qui parfois peut prendre la forme de revenus.
Si demain bonWeb cesse de me subventionner, si coZop ne marche pas, il me faudra trouver un moyen de gagner ma vie et ce blog en pâtira. C’est simple. Je ne connais peut-être rien aux auteurs mais je sais que, en tant qu’auteur, j’ai besoin de temps, de toujours plus de temps, pour me livrer à mon travail d’auteur.
Alors voilà aussi pourquoi je ne veux pas que des inconnus exploitent mes contenus dans mon dos. Voilà pourquoi je crée coZop pour mettre en place un système gagnant-gagnant avec les auteurs, en toute transparence. Voilà pourquoi je leur conseille d’adopter la même stratégie que moi : diffusez gratuitement vos contenus chez vous, monétisez-les ou pas, et ne laissez rediffuser qu’aux services qui vous offrent une totale maîtrise de vos créations.
À ce titre, les agrégateurs traditionnels me paraissent dangereux pour les auteurs. À ce jour, ils gagnent grâce aux auteurs, ils existent grâce à eux, mais ne leur renvoient rien. Ils prennent mais ne donnent pas et se faisant ils mettent en danger le web 2.0. À un moment, nous en aurons assez de travailler pour eux.