Toute époque se trouve à la jonction entre le passé et l’avenir, toute époque est donc de transition. Nous pourrions dire la même chose de chaque seconde et nous devrions essayer de les vivre avec intensité parce que justement elles sont uniques.
Nous sentons bien toutefois que dans nos vies certains moments sont plus tendus que d’autres, plus déterminants, plus chargés d’aventures. Je crois qu’il en va de même dans l’histoire des civilisations et des sociétés. Le début du XXIe siècle me semble en ce sens particulier car il cumule les changements.
Quelques symptômes...
Transition climatique
Les hommes ont connus des périodes de glaciations et de réchauffement, ils ont survécu mais ils ont dû s’adapter. La fin de la dernière période glaciaire a vu l’explosion de l’hominisation. Nous vivons probablement un changement climatique à notre tour, le premier depuis les temps historiques. Il engendrera une adaptation et une explosion de quelque chose. Optimiste, je crois qu’elle sera créative comme au temps du magdalénien.
Transition technologique
Nous passons des technologies lourdes, apparues au début de la révolution industrielle, aux technologies numériques et génétiques. Le passage de l’analogique, mode technologique primitif de l’humanité, au digital ne peut qu’être révolutionnaire. Il implique des adaptations car il offre des possibilités inédites. Nous ne sommes qu’au début de cette transition.
Transition métalocale
Du nomadisme aux premiers villages, des villages aux villes, des villes aux États, des États à la biosphère. Nous changeons chaque fois d’échelle de vie. Aujourd’hui, nous devenons des habitants de la planète. C’est une responsabilité nouvelle.
Transition démographique
Nous devons apprendre à vivre à 9 milliards sur un monde fini en attendant le véritable début de l’aventure spatiale. Cette transition a commencé avec la révolution industrielle mais nous n’en subissons les conséquences qu’aujourd’hui. Elle implique de revoir notre vision du monde, notamment penser développement durable.
Transition politique
Le monde s’aplatit comme l’a décrit Friedman. Cet aplatissement géopolitique et économique, boosté par les nouvelles technologies, implique un aplatissement des hiérarchies, donc l’apparition d’un cinquième pouvoir, c’est-à-dire d’un faisceau de pouvoirs individuels qui s’auto-organisent et créent des métapouvoirs non incarnés.
Transition économique
Nous passons d’un marché dominé par la rareté de l’offre à un marché de l’abondance et du sur mesure. L’apparition des longues traînes est une transition autant pour les producteurs que pour les consommateurs, qui vont de moins en moins acheter comme leurs voisins.
Transition personnelle
Nos besoins primaires, tout au moins en occident, ont été satisfaits. Presque tous, nous disposons d’un confort matériel plus que satisfaisant. Nous aspirons à autre chose qu’acheter une nouvelle voiture ou un nouvel ordinateur. Nous aspirons souvent à une vie plus harmonieuse avec la nature ou nos contemporains. Passer du métro-boulot-dodo à la liberté est paradoxalement la transition la plus difficile à traverser.
Toutes ces transitions impliquent que nous n’avons plus de repères. Tout est à reconstruire exactement comme au temps d’Ératosthène. Beaucoup de gens se réfugient alors dans les mouvements sectaires, de type religieux ou autres, mouvements souvent passéistes et conservateurs. D’autres acceptent les changements, s’en réjouissent et s’y adaptent.
La transition me paraît inévitable, impossible à stopper, car la vie implique le changement. En revanche, elle peut être plus ou moins douloureuse. En fonction du rapport de force entre les conservateurs et les novateurs. Son issue est pour le moins incertaine.
Au final qu’est-ce qu’une époque de transition ? Je ne le sais pas trop. C’est un peu comme la conscience, j’en ai une et j’en use, je suppose, sans savoir la définir.