Je pars du fait, pour moi prouvé, que l’avenir des systèmes complexes est imprévisible. En conséquence, la certitude d’un changement climatique catastrophique, le climat étant un système complexe, n’est ni plus ni moins qu’un mythe qui s’est installé ces dernières années, sous l’influence de quelques activistes et avec l’aide de personnalités comme Al Gore. Le mythe est alors devenu un dogme et toute personne qui le met en cause est considérée comme hérétique.
Sachant que les futurologues se fourvoient quasi systématiquement et qu’ils ont presque toujours tort quand leurs prévisions convergent, car elles ne le font que par suite d’un mimétisme affligeant démontrant un aveuglement non moins affligeant, nous nous moquerons sans doute bientôt de cette effervescence qui nous frappe actuellement. Elle me rappelle la panique des années 1970, qui précipita la crise pétrolière, provoquée par la croyance soudain apparue que nous allions manquer d’énergie.
Le climat change comme toute chose dans la biosphère. Les systèmes complexes évoluent personne n’en doute. Quel sera le climat dans 10 ans, 30 ans, 100 ans ? Personne ne le sait. Les prévisions, comme toutes les prévisions depuis toujours, ont toutes les chances d’être fausses. Nous ne savons pas prévoir le climat de la semaine suivante, nous n’avons aucune raison technique de prévoir celui des décennies à venir.
Le climat risque d’être bien pire que celui que nous anticipons aujourd’hui ou au contraire guère différent que celui que nous connaissons. Des feedbacks qui ne peuvent être anticipés peuvent créer des amplifications comme des atténuations inattendues. Des effets potentiellement terribles peuvent en atténuer d’autres pour qu’au final il ne se passe rien. Personne n’est capable de prendre en compte tous les paramètres. Tous ceux qui annoncent qu’il se passera telle ou telle chose nous mentent.
Le climat a déjà changé. Nous en sommes sûrs. Comment changera-t-il ? Nous ne le savons pas. Nous savons juste, avec certitude, que nous l’influençons. Nous pouvons alors décider de moins le changer, de minimiser notre impact sur la biosphère, lui laissant en quelque sorte une change de conserver son régime de fonctionnement actuel. Nous n’avons pas besoin d’invoquer un avenir hypothétique pour effectuer ce choix de société.
Si nous justifions un engagement écologique au nom d’une prévision de l’avenir, d’autres peuvent justifier un autre type d’engagement en invoquant un autre avenir possible. Comme l’avenir est inconnu, aucune des deux options ne pourra être départagée par des arguments logiques, nous pouvons très bien aboutir à une forme de conflit religieux, un combat au nom d’une croyance en un avenir ou en un autre.
Je suis athée, je ne veux pas prendre part à un conflit religieux. Je suis pour la réduction de notre impact écologique, c’est pour moi une question de bon sens maintenant que l’humanité est aussi dispendieuse. Pour faire mon choix, je n’ai pas besoin d’invoquer les futurologues et les dérèglements climatiques à venir. J’ai déjà pris m’a décision au regard de ce qui s’est déjà passé. Si on me jurait que le changement climatique est une illusion, je ne continuerais pas moins à croire que nous devons réduire notre impact écologique.
Je nous imagine dans 50 ans. Si le climat est bouleversé, on dira que les futurologues avaient raison. S’il ne l’est pas, on dira sans doute que nous avons réussi à enrailler ces changements. En fait, nous n’en saurons rien comme nous ne savons jamais pourquoi une guerre commence ou pourquoi des guerres potentielles n’ont jamais éclatées (cf la discussion à ce sujet dans Le peuple des connecteurs et Le cinquième pouvoir).
Nous n’avons pas besoin d’un mythe oraculaire pour agir. Ou plutôt, parce que ce mythe n’est pas solide, il ne provoque pas de réaction à la hauteur des dangers qu’il met en évidence. Pour preuve : nos gouvernements tergiversent et se satisfont de demi-mesures. Tout ça parce que l’avenir prévu n’est pas là.
Nos choix doivent être plus clairement philosophiques. Désirer vivre en harmonie avec la nature est un choix légitime, un choix sur lequel nous devons nous positionner, un choix sur lequel je me positionne. Un autre choix pourrait être de miser sur la croissance tout azimut, confiant au génie humain, à sa capacité de se tirer de tous les pièges.
Ce choix progressiste a été effectué au début de la révolution industrielle. La menace d’un bouleversement climatique catastrophique ne le remet pas en question. Trop peu de gens en prennent conscience il me semble. Pour un progressiste, parler de problèmes à venir n’a aucun sens. Pour lui, tout problème sera résolu le moment voulu. Il suffit d’adopter, par exemple, le point de vue de Kurzweil et le risque de bouleversement climatique fait sourire.
En nous servant de l’avenir inconnu pour convertir les gens du rêve progressiste au rêve écologiste, je crois que nous employons un mauvais stratagème. Il me semble préférable de démontrer aux progressistes que le rêve écologique est le meilleur moyen de relancer le progrès. Nous devons encore une fois jouer gagnant-gagnant.