Bjorn Lomborg, l’auteur de The skeptical environmentalist, remarque que les pesticides tuent 20 personnes par an aux États-Unis et que le passage au tout organique coûte 100 milliards de dollars. En conséquence, les prix des fruits augmentent, les gens en mangent moins ce qui provoque annuellement 26 000 morts par cancer.
J’aime ce genre de rhétorique qui nous force à regarder les problèmes par une autre face et nous laisse entrevoir que le remède peut être pire que le mal. Bien sûr les chiffres de Lomborg sont faux. Les pesticides tuent sans aucun doute beaucoup plus. Malheureusement les chiffres justes n’existent pas. Dans un monde complexe, personne ne peut isoler les causes et les dénombrer. Nous devons donc nous poser des questions de nature qualitative.
En supprimant les chiffres, la remarque de Lomborg devient : pouvons-nous réduire l’usage des pesticides sans accroître le coût des produits agricoles ? Si oui, bingo. Sinon, nous devons prendre garde à ne pas déplacer le problème et l’aggraver. L’intégrisme écologique peut tuer comme n’importe quel autre intégrisme.
L’intégriste est quelqu’un qui nie la complexité et refuse d’admettre l’interdépendance. Il croit que des solutions miracles existent. « Tu arrêtes les pesticides et tu as bonne conscience. » Rien n’est aussi simple. Un écologiste peut très bien militer en faveur des pesticides tant que nous n’avons pas de meilleures solutions (je ne dis pas que nous n’en connaissons pas).
James Lovelock utilise le même argument que Lomborg pour justifier le recours ’énergie atomique. Le remède consistant à fermer les centrales est pire que le mal si nous devons bruler du charbon ou du pétrole pour produire notre énergie. Fermer les centrales et les remplacer par des sources distribuées est bien sûr la solution au problème.
En d’autres mots, s’attaquer directement au mal n’est pas nécessairement la meilleure méthode. Il ne faut jamais oublier l’interdépendance. Il n’y a pas de cause unique aux problèmes, pas plus de solution unique et miraculeuse.