Serons-nous capables d’adopter une nouvelle méthodologie politique ? Est-il possible de rompre le modèle pyramidal de nos sociétés ? J’ai l’espoir que oui mais je mesure aussi combien il est difficile de changer les habitudes et plus encore les idées reçues.
Nous avons réussi à construire un internet auto-organisé car nous sommes partis de rien. Peut-être serons-nous plus à même d’inventer un nouvel ordre politique dans l’espace. Une fois que cet ordre aura prouvé son efficacité, il pourra servir d’exemple sur Terre, en espérant qu’il ne soit pas trop tard. Fin septembre, quelques scientifiques se sont retrouvés en Inde pour discuter de cette hypothèse.
William Marshall de la NASA a proposé un système en sept points qui va dans la bonne direction mais que j’estime encore trop accroché au modèle dominant. Ses propositions et mes critiques.
- Démocratie avec vote électronique omniprésent. J’ai évoqué cette idée dans Le cinquième pouvoir. Quand on vote sans cesse, sur tout, nous quittons le modèle représentatif pour le modèle participatif. Je n’ai pas trouvé exposées en détail les vues de Marshall. J’espère qu’il mesure que cette continuité du vote implique la fin de la représentation. Nous aurions alors des représentations en renouvellement constant ce qui nous empêcherait d’attribuer le pouvoir à quelques personnes en particulier. Mais les points suivant me font douter de la lucidité de Marshall.
- Un système de jury. C’est un concept déjà développé aux États-Unis. Des citoyens, comme dans nos tribunaux, peuvent avoir le dernier mot. Mais à quoi bon avoir des jurys dans un système non représentatif. Le jury est un contre-pouvoir. Quand le pouvoir est distribué, les jurys n’ont plus d’intérêt puisque tous les citoyens sont des jurés.
- Une chambre suprême qui veille à que toutes les décisions prennent en compte le long terme. Encore une fois, je vois poindre la volonté de mettre quelques citoyens au-dessus des autres. Cette proposition suppose implicitement que certains hommes sont plus compétents que les autres. Il se trouve que vis-à-vis du long terme personne n’est compétent, pas même notre cher Attali. Il suffit de favoriser l’action locale et la méthode de l’essai et de l’erreur pour éviter les décisions catastrophiques. C’est simple. Nous n’avons besoin d’aucune instance suprême.
- Wikipolitics Je ne peux qu’approuver cette approche qui consisterait à mettre les textes de loi et la constitution entre les mains des citoyens.
- Mise en place d’une « politique analytique » qui assurerait la prise des décisions les plus rationnelles pour la société. Quand je lis ça, je fulmine. Il y a du Sarkozy derrière et son bureau d’étude politique. Mais atterrissez-donc. Ingénieurs arrêtez de vous croire tout-puissant. Nous ne vivons plus aux premiers jours de la révolution industrielle. L’avenir étant imprévisible aucune politique ne peut être rationnelle. Nous devons adopter des approches organiques face aux problèmes de la complexité. Nous avons besoin d’empirisme pas de théories politiques (et ce faisant je théorise la non théorie).
- S’appuyer sur l’histoire pour éviter de répéter les mêmes erreurs. Oui et non. L’histoire justement ne se répète pas. Quelque chose qui jadis n’a pas marché peut maintenant marcher parce que les conditions ne sont plus les mêmes. L’histoire est floue, sujette à interprétation, on peut lui faire dire n’importe quoi. L’histoire vraie n’existe pas comme le démontra Tolstoï. Encore une fois, nous devons prendre garde de ne pas nous tourner vers des experts qui justifieraient telle ou telle décision. Nous devons essayer localement et apprendre à mesurer nos erreurs comme nos succès.
- Multiplier les boucles de feedback pour améliorer l’efficacité. Ce point est fondamental, il est au centre de l’approche organique et de l’auto-organisation. Il s’agit de densifier notre réseau.
Marshall va parfois dans le bon sens, souvent il ne réussit pas à se dégager du modèle représentatif. On ne peut pas demander la lune à un employé de la NASA, institution hiérarchisée s’il en est.
J’espère maintenant que nos hommes de pouvoir auront le courage de financer une colonisation de l’espace qui se passera d’eux. Peut-être se laisseront-ils piéger comme avec internet.
L’entrée sur la scène spatiale des compagnies privées est peut-être une bonne chose. Nous allons bientôt réinventer les utopies pirates chères à Hakim Bay.