La semaine dernière, j’ai enfin rencontré Pacco et nous avons papoté, notamment de la télévision. Pour Pacco, elle restera dominante encore longtemps car elle peut réunir, au même instant, des millions de personnes devant les mêmes images.
Les hommes ont toujours éprouvé le besoin de se retrouver et de communier ensemble. Les temples puis les églises devinrent de plus en plus vastes. La radio en virtualisant le lieu de culte réussit à dépasser les contraintes spatiales. Nous n’étions plus dans le même lieu mais nous participions au même évènement.
Grâce aux images, la télévision renforça la sensation « d’y être ». Armstrong marcha sur la Lune devant la planète. En 1998, l’équipe de France gagna la coupe du monde devant plus d’un milliard de téléspectateurs. La télévision apparaît comme une généralisation de l’expérience religieuse.
Pacco remarqua alors qu’internet n’offrait pas cette possibilité. Nous ne voyons pas les choses en mêmes temps (média asynchrone). Nous n’avons pas de point de rendez-vous rituel. Plutôt, il en existe des millions et nous nous éparpillons. « Avec internet, la grande messe c’est fini. »
J’ai alors pensé à Word of Warcraft. N’est-ce pas un nouvel espace de communion ? Comme à la radio, nous écoutons. Comme à la télévision, nous voyons. Comme dans la vie, nous agissons. Nous pourrons nous y retrouver par dizaines de millions et vivre ensemble la même expérience.
Comme les fidèles n’étaient pas tous dans la même église à l’heure du culte, nous ne serons pas tous au même endroit dans le jeu mais nous en partageront l’ambiance. J’ai alors songé à une belle idée développée par McEnzie Wark dans Gamer Theory.
Dans ce manifeste, il prend Platon à contre-pied. Quand le joueur quitte la caverne où il joue, il ne rejoint pas la réalité mais un autre terrain de jeu, un autre gamespace. Tout est jeu pour Wark. Tout est jeu pour moi aussi. Je me demande comment on peut imaginer le monde autrement.
Quand nous jouons, nous prenons peu à peu conscience de l’algorithme qui anime le jeu. Nous ne retrouvons pas les lignes de codes mais leur grande ligne. Nous en avons une perception allégorique. Wark parle alors d’allegorithm.
Les joueurs de Word of Warcraft communient avec le même allegorithm comme les fidèles le font avec leur allégorie religieuse. Je crois ainsi que la messe est dite. Les jeux massivement multijoueurs supplanteront la télévision car, en ajoutant l’action, ils généralisent plus qu’elle l’expérience religieuse.
Notes
- Les scientifiques cherchent à retrouver le code derrière l’allégorie naturelle.
- Word of Warcraft n’est qu’une des premières moutures des allegorithms à venir, ne parlons mêmes pas de Second Life.
- Un ami me disait hier qu’il en avait assez d’entendre ses collègues de travail ne parler que de jeux vidéos. « Pour eux, c’est une des réalités possibles, j’ai répondu. Ils y vivent aussi intensément que dans l’allégorie naturelle. »