Dans La revanche de Gaïa, Lovelock cite Mère Teresa. En 1998, elle a déclaré :
Pourquoi nous soucier de la Terre ? Nous devons nous occuper des pauvres et des malades. Dieu prendra soin de la Terre.
Ces propos, en plus d’être absurdes puisque Dieu pourrait aussi bien s’occuper des pauvres et des malades sans le moindre souci, témoignent d’un courant de penser largement répandu chez les Chrétiens durs, notamment aux États-Unis.
Ils interprètent littéralement les paroles Élohim dans la Genèse.
Fructifiez et multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la, ayez autorité sur les poissons de la mer et sur les oiseaux des cieux, sur tout vivant qui remue sur terre !
Ce mouvement intégriste est très important. Beaucoup d’athées partisans de la croissance économique à l’ancienne, je pense à nombre de nos politiciens, y adhèrent sans même en prendre conscience.
Durant la campagne présidentielle, j’ai tressailli chaque fois que j’entendais parler du besoin de relancer la croissance pour soutenir le régime des retraites ou le train de vie de l’État. Le monde marche sur la tête. Il pense comme Mère Teresa.
Mais de quel Dieu parle-t-elle ? Dans quel cadre idéologique se place-t-elle ? N’est-ce pas celui qui prédit le retour du Christ à la fin des temps ? De cet autre qui prédit sept jours plus tard le retour du prophète Mahomet ? Alors tous les fidèles seront sauvés et gagneront la vie éternelle.
La fin des temps n’est donc plus effrayante, elle est même souhaitable et l’écologie reviendrait à lutter contre la volonté de Dieu.
Chrétiens et musulmans sont en fait dans le même camp, ils poursuivent le même objectif : la rédemption finale. Eux et leurs sympathisants qui s’ignorent forment une grande armée. Je crois que durant les prochaines décennies elle affrontera une autre armée tout aussi grande, celle des hommes libres.
Nos ancêtres se sont battus pour la liberté, contre l’esclavage, nous devrons nous battre pour sauver le monde, ni plus ni moins. Je développerai en long en large ces thèmes dans Croisade, mon prochain livre. Tomber sur les propos de Mère Teresa m’incite à me mettre au travail sans plus attendre.
Il y a urgence. Nous ne sauverons pas les pauvres sans sauver le monde car si le monde venait à se dégrader les pauvres seraient les premiers à en pâtir.
Et puis il ne s’agit pas simplement de sauver le monde, il s’agit de construire d’autres mondes, il s’agit de poursuivre l’aventure humaine.