Tous les auteurs qui publient sur Agoravox ont pris leur parti des trolls en maraude qui polluent les fils de commentaires. J’ai beau me persuader que les trolls sont un mal nécessaire, le prix de la liberté en quelque sorte, je n’arrive pas à m’habituer à leur présence, surtout quand ils influencent tous les commentaires qui suivent et que le trolling devient la règle. Aujourd’hui, j’en viens à chercher les rares commentateurs de bonne foi parmi une armée de trolls qui s’ignorent.
C’est un commentaire publié hier soir suite à mon article sur le bon sens qui m’a remonté contre les trolls inconscients de l’être. Mais toutes les remarques qui suivent sont valables pour 99 % des commentaires publiés sur Agoravox, suite à mes articles mais aussi suite à la plupart des articles.
1/ Exit la netiquette.
Par le passé, avant de publier sur un forum, on devait s’imprégner de sa philosophie. C’était un des points essentiels d’une politesse qui semble oubliée. Si elle était toujours d’actualité, les commentateurs devraient s’imprégner de la philosophie de l’auteur dont ils vont commenter l’article, au moins lire sa biographie, visiter son blog, lire quelques uns de ces autres articles, ça éviterait bien des incompréhensions, comme d’accuser un auteur d’ignorer les sciences de l’ingénieur alors qu’il est lui-même ingénieur.
2/ Un jeu perdant-gagnant.
Dans les médias traditionnels, il ne viendrait pas à l’idée d’un journaliste d’attaquer quelqu’un dont il ignore tout, ce serait suicidaire. Sur le web, les trolls n’ont pas peur du suicide (tous les joueurs de Donjons & Dragons savent que les trolls régénèrent). Comme les commentateurs n’ont rien à perdre, ils se lâchent. Presque toujours, ils jouent un stupide jeu perdant-gagnant avec les auteurs. Ils se croient être les gagnants parce qu’ils parlent en dernier. Au final, personne ne gagne, tout le monde perd, l’auteur, le commentateur, les lecteurs, Agoravox… qui devient lieu de débats tout aussi stériles que ceux des plateaux TV.
3/ Les grandes gueules anonymes.
La plupart des commentateurs se cachent. Ils ne s’enregistrent pas comme rédacteur sur Agoravox ou n’indiquent pas l’adresse de leur blog. Du coup, ils ont un courage qu’ils n’auraient jamais en face à face. Il m’est arrivé de demander à ce type de contradicteur de discuter de vive voix et ils ont refusé. Cette attitude est assez commune dans les forums. La plupart des gens ne sont pas là pour discuter mais pour tenir un rôle. Je me demande pourquoi ils ne jouent pas à WOW. Là, il y a de vrais trolls !
Pour moi, le web n’a rien de virtuel, quand je dis quelque chose je m’engage personnellement et j’attends que ceux qui discutent avec moi agissent de même. Sur mon blog, tout le monde peut trouver mon mail et mon adresse postale. Combien de commentateurs sur Agoravox sont prêts à cette transparence ?
Je crois que si nous étions tous identifiés, les débats seraient plus constructifs. Aujourd’hui, il est trop facile d’aller pourrir les articles des autres en sachant que les siens ne risquent rien puisqu’on agit sous de multiples pseudos. Allez lire les commentaires des auteurs Agoravox. Ils sont généralement posés et argumentés.
Sur Agoravox, il devrait être possible de masquer les commentaires de tous les auteurs inconnus. Personnellement, je ne lirais que dans ce mode.
4/ Les attaques contre l’homme pleuvent.
L’auteur est soit traité de tous les noms d’oiseaux, soit accusé de commettre des erreurs inexcusables. Un auteur, en général, quand il avance quelque chose donne ses sources, c’est la règle de base de tout journalisme, même du journalisme citoyen. Les commentateurs ne prennent pas les mêmes précautions. Ils donnent des chiffres qu’ils tirent de leur chapeau.
Dans le cas de mon article sur le bon sens, j’avais cité deux articles. Au vu des commentaires, je suis certains qu’aucun critique n’est remonté aux sources. Car pour dénoncer mes erreurs, il aurait fallut dénoncer les erreurs des auteurs des articles cités puis les erreurs des auteurs cités dans ces articles cités… Là, ça devient plus difficile et personne ne s’y risque car c’est du travail.
Pour éviter, les argumentations légères, il faudrait peut-être que tous les chiffres donnés soient liés à leur source. Tous les chiffres devraient être hypertextualisés. Ça ne les rendrait pas justes mais au moins les lecteurs pourraient approfondir.
5/ Le règne des petits profs.
Les pires des commentateurs sont ceux qui croient que tout le monde, l’auteur en premier lieu, est plus con qu’eux. J’ai été journaliste. La première chose que j’ai apprise en faisant ce métier est de considérer mes lecteurs comme plus intelligents que moi.
Suite à mon article sur le bon sens, plusieurs commentateurs on fait les fanfarons. Ils ont débité au sujet du méthane ce que tout prof de biologie de lycée apprend à ses élèves. S’ils avaient lu l’article de NewScientist auquel j’ai fait référence, ils auraient compris que nous venions tout juste de découvrir une nouvelle source de méthane. C’est justement pour cette raison que j’ai parlé des limites du bon sens. Nous sommes tous persuadés que planter des arbres est bon, ce n’est pas nécessairement évident (je n’ai pas dit que planter des arbres était mauvais mais qu’il fallait toujours mettre en doute le bon sens).
La controverse sur le méthane est anecdotique. Elle montre juste comment tout le monde peut dire n’importe quoi et accuser les autres de dire n’importe quoi. Encore une fois, je crois que pour éviter une telle impasse auteurs et commentateurs doivent se plier aux mêmes règles du journalisme : commencer par citer les sources et ne pas jouer au prof face à ses élèves.
Je sens déjà que les trolls vont se déchaîner. Du coup, je n’ai même pas envie de publier cet article sur Agoravox. Je profite encore un peu des vacances.
PS : Les trolls les plus nocifs sont ceux qui s’ignorent. Ils croient éclairer les lecteurs en conspuant l’auteur et, l’accusant de se tromper, ils se trompent eux-mêmes. Le problème : l’auteur ne peut répondre à tous. Du coup, les attaques laissées sans réponse laissent penser qu’il est dans l’erreur. J’ai souvent beaucoup de mal à garder mon calme quand je vois des anneries m’être reprochées par des ânnes. Mais si je réponds, je suis mort car je vais devoir passer des heures en argumentation inutiles avec des gens de mauvaises foi. Parfois je me dis que les vieux médias ont du bon. Comme il faut un peu ramer pour y accéder, après on est entre gentlemen.