En 1835, dans De la démocratie en Amérique, Tocqueville écrit :
Chez la plupart des nations européennes, l’existence politique a commencé dans les régions supérieures de la société et s’est communiquée peu à peu, et toujours d’une manière incomplète, aux diverses parties du corps social. En Amérique, au contraire, on peut dire que la commune a été organisée avant le comté, le comté avant l’État, l’État avant l’Union.
La domination par le haut est rarement au début d’une aventure sociale. Si Tocqueville croit que la politique a commencé par le haut en Europe, c’est parce qu’il n’a pas vu naître les nations européennes. Lorsqu’il écrit, elles ont depuis longtemps oublié leurs origines non pyramidales.
Comme le montre Peter Turchin dans War And Peace And War, les nations européennes se sont construites sur les marges de l’Empire romain grâce à des aventuriers qui, eux aussi, privilégiaient le bottom-up. Il leur conférait plus de souplesse que le top-down sclérosé appliqué par les fonctionnaires romains.
Alors qu’au XIXe siècle, pour Tocqueville, le bottom-up est encore manifeste en Amérique, il est à nos yeux déjà moins évident, surtout lorsque nous observons les dérives impérialistes d’un Bush. Nous sentons toutefois que les initiatives individuelles sont encore favorisées en Amérique, mais la différence avec l’Europe s’atténue. L’Amérique adopte aujourd’hui de plus en plus des politiques top-down même si la liberté d’entreprendre est encore mise en avant.
Quelques lignes plus loin, Tocqueville discute de la commune de Nouvelle-Angleterre en 1650. Il dit :
[...] la loi de la représentation n’est point admise. C’est sur la place publique et dans le sein de l’assemblée générale des citoyens que se traitent, comme à Athènes, les affaires qui touchent à l’intérêt de tous.
La jeune nation américaine a commencé son histoire par une démocratie participative. La représentation n’est survenue que plus tard, lorsque des politiciens professionnels sont apparus, aussi lorsque la population a grandi, compliquant la participation directe.
J’aime considérer internet comme une jeune nation où domine le bottom-up et la participation. Grâce à la technologie, nous pouvons étendre cette participation à tous, sans limite quantitative. Ainsi les initiatives individuelles resteront peut-être le moteur de la société. Espérons assez longtemps pour qu’une nouvelle époque de l’humanité commence.