En cherchant un point de convergence entre chacun de nous, j’ai écrit un premier article pour tenter de faire l’unanimité autour de l’idée de conscience globale. Je pense maintenant que l’idée d’interdépendance est plus forte, car plus pragmatique. Je reprends donc mes points et les augmente sous une nouvelle forme.
Toutes les nations indépendantes devraient aujourd’hui renoncer à leur souveraineté et affirmer leur interdépendance. Dans notre monde global, nous dépendons les uns des autres et les générations à venir dépendent aussi de nous. Nous sommes interdépendants dans l’espace et dans le temps. Nous appartenons à un tout appelé biosphère. Cette constatation implique de nouvelles attitudes individuelles, et donc politiques.
L’interdépendance est un fait, nous devons tirer toutes les conséquences.
Responsables La biosphère forme un réseau d’interactions qui lie toutes les choses et tous les êtres vivants. Aucun ne peut s’en abstraire. Dès que nous agissons, nous modifions notre environnement et nous-nous modifions nous-même par feedback. Bien sûr, ça ne nous interdit pas d’agir mais nous agissons en toute conscience. Nous ne pouvons plus rejeter les fautes sur les autres.
Nous devons apprendre à gérer la complexité.
Humbles Au sein de la biosphère, la complexité des interdépendances nous empêche de prévoir les conséquences de nos actes. Régler momentanément un problème complexe est souvent possible mais les conséquences pour l’avenir sont imprévisibles. L’administration Bush a réglé le problème Saddam Hussein sans régler le problème de la paix en Irak. Toute politique doit s’inscrire dans le temps long et non dans celui bref des échéances électorales.
Précautionneux Nous vivons dans un monde irréversible. Ce qui a été fait ne peut être défait. Chaque chose qui arrive a trop de conséquences pour avoir un jour la chance d’être annulée. Nous ne devons pas pour autant cesser de vivre. Simplement, nous devons éviter les décisions globales qui pourraient s’avérer catastrophiques parce qu’irréversibles. Des variantes de toute décision doivent être testées localement, puis comparées. De nouvelles variantes doivent sans cesse être testées. Il n’y a pas de solution universelle, c’est-à-dire miracle, pour quoi que ce soit.
Patients La méthode de l’essai et de l’erreur demande un temps long qui vient balancer le temps court de l’évolution technologique. Les simulations numériques peuvent nous aider à évaluer des avenirs possibles mais jamais l’avenir réel. Elles doivent néanmoins être multipliées car nous ne connaissons pas d’autre moyen de nous confronter, par anticipation, à la complexité.
Libres Une grande erreur serait d’interdire les expériences au nom d’un principe de précaution arbitraire. Pour agir localement, chaque homme doit disposer de la plus grande liberté possible. Il faut libérer l’imagination des individus et leur donner le droit d’essayer les choses les plus folles, dans la limite des contraintes imposées par l’interdépendance.
Ouverts À cause de l’interdépendance, personne ne peut s’enfermer dans une spécialité. Nous devons tendre vers le généralisme, accepter les interactions, les favoriser. Chacun de nous est connecté à une multitude de réseaux sociaux. Nous ne devons pas nous enfermer dans un parti politique, une secte, une confrérie de quelque ordre que ce soit.
Nous sommes citoyens de la biosphère.
Écologistes La biosphère n’est pas simplement la maison où nous vivons mais, surtout, une extension de notre corps. Nous devons la maintenir en bonne santé. Ça ne veut pas dire bloquer l’évolution, ce qui est impossible, mais éviter de la faire dérailler dans une voie sans-issue.
Économes Les ressources de la biosphère sont limitées, nous devons les ménager, d’autant plus que nous ne sommes qu’une espèce vivante parmi des millions d’autres. Quand nous consommons quelque chose, nous le prenons aux autres, à tout jamais. Du fait même des limitations des ressources naturelles et énergétiques, la croissance, économique notamment, ne peut être infinie. Les coûts écologiques et sociaux doivent être comptabilisés.
Mondialistes Comme tout est lié, réduire une politique à un pays n’a aucun sens. Toute politique doit devenir extérieure.
Fraternels Quand une partie de l’humanité souffre, l’ensemble de la biosphère vacille. Le devoir de fraternité n’est pas que moral, il est aussi notre seule chance de nous en sortir : nous ne le ferons que tous ensemble.
Nous nous devons d’agir.
Révolutionnaires La biosphère évolue, rien ne perdure inchangé, pas même l’espèce humaine. La démocratie représentative n’est pas le meilleur système politique, le capitalisme n’est pas le meilleur système économique. Ils sont des solutions à une situation particulière. Quand la situation change, nous devons imaginer autre chose. Nos adversaires sont ceux qui refusent le changement et ceux qui croient que nous ne pouvons pas changer.
À Londres, le 1er juillet, se déroulera le premier Interdependance Day. C’est le Président Kennedy qui, le 4 juillet 1962, parla pour la première fois de la nécessité d’une déclaration d’interdépendance, mais il avait surtout en tête l’interdépendance économique et militaire de l’Europe et de l’Amérique. En 1988, International Humanist and Ethical Union proposa une Déclaration d’Interdépendance de caractère moral à l’échelle de la planète. En 1993, une autre déclaration fut publiée lors d’un congrès mondial d’architecture. En 1998, le Vice-Président Al Gore suggéra une déclaration d’interdépendance numérique. Mais il faut attendre le début du XXIe siècle pour trouver des appels à une déclaration plus universelle : Ken White, David Suzuki, Joe Smith… Une telle déclaration, dont le texte définitif reste à écrire, devrait être à la une de tous les programmes politiques.