Les réseaux sont partout présents dans la nature : la chaîne alimentaire forme un réseau, le système immunitaire aussi, toute la biosphère est un mégaréseau... Malgré cette universalité des réseaux, nous avons du mal à intégrer le fait que nous appartenons nous-mêmes à un réseau social d’une densité de plus en plus grande.
Lorsque nous refusons de penser réseau, nous pouvons aboutir à des théories absurdes. Dans La prophétie des Andes, James Redfield suppose que, depuis la fin du XXe siècle, l’humanité s’est approchée d’un point de rupture dans son histoire. Il parle d’une révolution spirituelle. Jusque là, je le suis. Mais, après, il déraille vers le mysticisme. Pour lui, chaque fois que nous rencontrons par hasard un ami d’un ami, nous serions guidés par une force métaphysique qui serait en train de devenir dominante dans notre monde.
Stanley Milgram doit se retourner dans sa tombe. Dès les années 1960, il comprit que le degré de séparation entre chacun de nous était relativement faible. Plus nous développons nos systèmes de communications, plus nous entrons en contact les uns avec les autres, plus nous avons de chance de vivre des coïncidences. La sérendipité n’est qu’une question de probabilité. Pas besoin d’invoquer une force inconnue de nature spirituelle. Ou alors cette force s’appelle conscience collective, c’est le réseau lui-même.
Que la sérendipité n’ait pas une origine mystique ne la rend pas moins merveilleuse. Au contraire. Nous devons profiter du réseau pour rencontrer des gens nouveaux et parler avec tous ceux qui pourraient éclairer notre vie. Cette propension actuelle à la sérendipité transforme peu à peu nos vies, nous rend plus heureux, pour un peu que nous jouions le jeu. Le réseau nous met en contact de tous les êtres humains, il suffit de laisser les connexions se faire, leur donner parfois un petit coup de pouce, et vivre devient soudain beaucoup plus amusant.